
L a part la plus dure du règlement de notre invraisemblable crise politique a porté sur le sort du HCE, l’instance militaire qui s’étaitemparée de la souveraineté du peuple, sous la direction du Général Azizle 6 Août 2008. En vérité, tout, depuis le début, c'est-à-dire la «fronde militaro-parlementa ire», prenait appui sur cette questioncentrale du rôle à donner dans nos institutions démocratiques, à l’Armée, plus précisément à ses cadres les plus « politiques », les plus décidés à conserver un pouvoir conquis et exercé sans discontinuité depuis 1978.
L’expérience de la plupart des Etats qui vécurent la situation de l’ingérence militaire en politique montre clairement que la tâche la plus ardue pour jeter les bases d’une saine et sereine démocratie pluraliste et l’enraciner durablement est d’abord et avant tout de faire accepter et respecter le principe élémentaire de la soumission de l’institution militaire à la volonté et aux choix du peuple, de faire accepter et respecter le principe que la politique commande les fusils, de faire accepter et respecter le principe que les militaires qui se destinent à la carrière politique doivent quitter l’uniforme et non en faire un argument d’autorité pour la spoliation de la volonté du seul souverain légitime : le peuple.
C’est le sens même de l’esprit républicain, universellement partagé, indépendamment de toutes autres considérations idéologiques ou politiques. Surtout depuis la transition de 2005, cette question très sensible de l’armée et de la démocratie est posée, notamment au gré des principales crises qui l’émaillèrent : celles dites des « Indépendants », du « vote blanc » et de la « fronde ». M. Ahmed Baba Miské, doctrinalement acquis au putschisme, avait clairement jeté un pavé dans la mare en appelant de ses vœux une mise sous tutelle constitutionnelle par l’armée, des institutions politiques démocratiques, un peu à l’exemple de certains pays comme la Turquie. Il ne lui fut répondu, à ma connaissance, que par le silence désinvolte d’une classe politique qui néglige souvent, sous nos cieux, l’importance des débats publics, fussent-ils non polémiques et préfère se concentrer sur les contradictions politiques du moment et les urgences tactiques de l’instant. Au plus fort de la fronde, et à la veille du coup d’Etat du 6 août, un autre partisan des autorités putschistes, M. Moustapha Ould Abeidarahmane, reconnaîtra ouvertement l’existence d’un « camp » politique formé par les parlementaires frondeurs et les « militaires » des FAS (Forces Armées et de Sécurité comme il l’écrit), suggérant que fût entériné le principe d’une supervision « molle » de la vie politique par ces FAS : « Dans le contexte du mandat présent du Président de la République (SIDIOCA), il est d’une nécessité absolue que les deux pôles institutionnels de la majorité (l’exécutif et le parlementaire) consultent et écoutent les dirigeants des FAS avec lesquels une concertation sérieuse doit être assurée de manière permanente sur toutes les questions d’intérêt national et sur toutes les évolutions souhaitées ou souhaitables du système démocratique pour son assise permanente et consensuelle dans notre pays » écrira t-il benoîtement, dans le Quotidien de Nouakchott, immédiatement avant le Coup d’Etat d’Août 2008…
Ex post facto, il apparaît clairement que de telles prises de position d’intellectuels et hommes politiques éminents du clan des putschistes étaient surtout destinées à agiter les esprits et à les préparer à accepter l’inacceptable : une prise de pouvoir plus franche, moins invisible d’une fraction de l’armée au détriment des civils, même élus, voués à la soumission et à l’obéissance aux hommes en armes. Aussi, dès le départ, la lutte contre le coup d’Etat en Mauritanie avait-elle eu pour enjeu et finalité de ramener définitivement et pour de bon, l’armée dans les casernes en mettant fin au mélange des genres qui, depuis une trentaine d’années avait fini par rendre impossible toute vie politique et institutionnelle normale, et même toute vie économique et sociale cohérente, c'est-à-dire libre et démocratique suivant les nouvelles exigences de ce bas monde. Cette échéance seule pouvait et devait valoir le geste proprement historique de l’unique Président de la république démocratiquement élu en Mauritanie depuis 1960 : la renonciation volontaire à son mandat en contrepartie du retour à la constitution, y compris pour les officiers supérieurs qui l’avaient bafoué. Le pôle militariste avait voulu, à Dakar, que fût passée sous silence cette donne fondamentale dans l’architecture de la solution globale consensuelle de sortie de crise que la communauté internationale avait parrainée. D’abord par des manœuvres filandreuses puis par le forcing. Ce fut peine perdue : tout compromis véritable supposait que, par définition, le coup d’Etat soit enterré et que l’esprit et la lettre de la constitution soient respectés. Ce fut chose faite, clairement, à Dakar II.
Mais tout le monde a vu comment, après avoir pris auprès des médiateurs du Sénégal et du Groupe de contact international (GCI) des engagements fermes d’inscrire l’ACD (l’Accord-cadre) dans le socle de la constitution nationale et, en conséquence, de mettre fin à la diversité surréaliste des pouvoirs à Nouakchott ( celui du HCE, de « plein exercice » malgré le faux semblant de la démission de son président effectif, celui du président « intérimaire » qui n’avait même pas de chrysanthèmes à inaugurer et, enfin, celui du Président légitime entravé et reclus à Lemden), le pôle putschiste a voulu faire légaliser, par force, sa mainmise sur l’ensemble du processus de sortie de crise, en consacrant le HCE comme structure indépendante, hors constitution et hors contrôle du Gouvernement d’union nationale en charge de la transition et des élections prévues. Et en opérant de facto, comme réserve stratégique du candidat Aziz aussi pesant et invisible dans le jeu politique que l’anti-matière dans la balance générale des forces de l’Univers.
Ce camp putschiste, il est vrai, n’a cessé depuis de longs mois, de profiter de l’opportunisme sécuritaire de certains de nos plus proches partenaires européens, davantage préoccupés de disposer à Nouakchott d’une machine de guerre « anti-terroriste » et anti immigration clandestine que d’aider notre pays à rétablir son ordre constitutionnel bafoué. N’eût-été la détermination des africains, et sûrement aussi des américains, à soumettre les parties à une forte pression pour respecter l’ensemble des engagements contractés à Dakar I (y compris le principe de dissolution du HCE ou, pour le moins, sa soumission à la direction politique consensuelle du pays (le GUN), il est clair que la crise aurait continué, voir revêtu sa forme ultime, antagonique : la confrontation pure et simple.
Le Président Wade et le GCI ont fait accepter, cette fois à Nouakchott même, comme solution de compromis, non la dissolution mais l’acceptation de soumission du HCE au GUN, se conformant ainsi à la constitution légitime, comme l’exigeait le Président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, avant de signer l’acte de sa propre démission comme Président de la République et permettre une vraie transition consensuelle.
La question qui se pose maintenant est celle de savoir ce que signifie cet «engagement» du pôle putschiste par rapport à l’évolution que pourrait connaître le pays au terme de cette présidentielle réellement historique.
Pour ce camp, seule une victoire du général Aziz pourrait permettre de faire l’impasse sur la question. Les choses reprendraient alors le cours qu’elles empruntaient depuis août et que juin n’a pu permettre de conforter définitivement. Ce serait alors la pire régression politique que le pays connaîtrait dans son histoire depuis la fin de la colonisation. Toutes les forces rétrogrades se déchaîneraient pour mener à son terme, à visage découvert et en toute légalité, la révolution conservatrice antidémocratique qui a été, au fond, à l’origine du Coup d’Etat d’août, sous l’œil vigilant d’un commandement militaire suprême ouvertement confirmé (probablement par reforme constitutionnelle) dans son rôle de parrainage de la république.
Cette aspiration transparaît clairement dans le dernier communiqué de l’ex HCE, transformé en Conseil National de défense, prenant acte des conclusions de la dernière médiation du Président Wade à Nouakchott. Si cette instance y déclare vouloir agir conformément à la constitution (sans jamais faire réellement acte d’allégeance aux autorités civiles seules légitimes désormais, à savoir le président de la république par intérim et, surtout, le Gouvernement d´union nationale représentatif des trois pôles politiques ), elle tente en même temps de justifier l’injustifiable à savoir sa prise de pouvoir et la destitution du Président légitime pour « sauver le pays et défendre les acquis démocratiques », par sa seule volonté unilatérale et subjective. Il n’y a nul engagement de la part de ces officiers supérieurs de renoncer, dans le présent autant qu’au futur, à toute intrusion dans la vie politique, pour quelque motif que ce soit et suivant leur seule appréciation personnelle. Nulle part, ils ne proclament leur soumission pure et simple aux seules autorités légitimes, élues par le peuple et leur détermination à agir selon les règles qui découlent de leur serment de fidélité à la constitution et à la nation.
En fait, comme le montre clairement la réalité tangible depuis la démission du Général Aziz du HCE et de l’armée, cette institution a continué à lui obéir, à n’agir que suivant ses instructions, certains de ses membres se comportant comme des militants politiques armés, battant campagne pour le Généralissime, jusqu’au dernier jour de l’ultime négociation de Nouakchott et l’adoption de ce fameux communiqué de mutation en Conseil national de Défense, de l’institution putschiste. Si la nouvelle mouture de l’institution militaire se dit «conscient(e) de ses responsabilité s envers la nation (et) entend accomplir ses tâches conformément à la constitution et aux lois de la République », elle n’en semble pas moins persister dans la voie inquiétante de l’interprétation unilatérale et politique des conditions d’exercice de sa mission lorsqu’elle proclame sans ambages qu’elle «restera toutefois vigilant(e)vis-à -vis de toute action tendant à porter préjudice au climat de paix et de sécurité dans le pays » comme si cette vigilance pouvait se faire en dehors des directives et instructions formelles des autorités civiles légitimes …
Au vu de ce qui précède, on peut sérieusement s’interroger sur ce que sera l’attitude collective de ce haut commandement militaire en cas de défaite électorale de leur ancien compagnon d’armes démissionnaire, comme on peut s’y attendre raisonnablement. Si, comme on peut l’espérer, ces officiers supérieurs -dont nul ne conteste la compétence technique et la valeur personnelle, respectent leur statut formel et s’en tiennent au consensus entre les pôles accrédité par la communauté internationale dans son ensemble, alors l’honneur de l’Armée sera sauf et notre pays se sera engagé réellement dans la voie de la réconciliation nationale « gagnant-gagnant » pour les acteurs.
Le futur Président de la république, issu du pôle démocratique élargi (Messaoud Ould Boulkheir , Ahmed Ould Daddah ou Ely ould Mohamed Vall) tiendra forcément compte de cette donne dans l’ attribution de fonctions des membres du Haut commandement de l’armée et de la sécurité, sans règlement de comptes ni favoritisme, chacun suivant sa seule expérience, son grade et ses mérites personnels, en tenant compte des besoins de cohésion des rangs de nos forces de défense et de sécurité. Il n’y aura à coup sûr, ni disgrâce ni promotion de faveur, motivés par des considérations politiciennes. Les choses rentreraient dans l’ordre et notre pays aura alors définitivement tourné la page de l’interventionnisme militaire dans la paix et la concorde et chacun y trouvera en définitive son compte avec la bénédiction et la reconnaissance jubilatoire du reste du monde. Dans le cas contraire, si le verdict des urnes n’était pas respecté ou si l’élection devait être interrompu par des actes de provocation télécommandés, les auteurs prendraient un risque immense de mettre notre pays dans un état de crise ouverte sans précédent, aux conséquences incalculables qu’aucun démocrate de quelque bord que ce soit ne pourrait accepter et que la communauté internationale dans son ensemble condamnera et combattra avec plus de vigueur et de lucidité encore qu’elle ne l’avait fait après le coup d’Etat d’août. Nous vivrions alors le scenario catastrophe que tout le monde redoute et dont il ne sera pas facile de sortir. Dans l’hypothèse d’une victoire du candidat Ould Abdel Aziz, le pôle démocratique dans son ensemble n ’aura de choix que d’en prendre acte, de féliciter le vainqueur et de se préparer à engager sur le terrain exclusivement politique, et dans le respect de la légalité, une opposition ferme et déterminée, le temps qu’il faudra, pour extirper le militarisme de nos mœurs politiques et ancrer la démocratie véritable dans notre pays. Dans la paix civile et l’unité nationale.
Telles sont les deux options possibles du scrutin du 18 juillet et son enjeu véritable.
Puisse notre démocratie en sortir vainqueur et s’ouvrir toute grande, dans tous les cas de figure, la voie de la réconciliation nationale et de la concorde républicaine.
Lô Gourmo Abdoul
L’expérience de la plupart des Etats qui vécurent la situation de l’ingérence militaire en politique montre clairement que la tâche la plus ardue pour jeter les bases d’une saine et sereine démocratie pluraliste et l’enraciner durablement est d’abord et avant tout de faire accepter et respecter le principe élémentaire de la soumission de l’institution militaire à la volonté et aux choix du peuple, de faire accepter et respecter le principe que la politique commande les fusils, de faire accepter et respecter le principe que les militaires qui se destinent à la carrière politique doivent quitter l’uniforme et non en faire un argument d’autorité pour la spoliation de la volonté du seul souverain légitime : le peuple.
C’est le sens même de l’esprit républicain, universellement partagé, indépendamment de toutes autres considérations idéologiques ou politiques. Surtout depuis la transition de 2005, cette question très sensible de l’armée et de la démocratie est posée, notamment au gré des principales crises qui l’émaillèrent : celles dites des « Indépendants », du « vote blanc » et de la « fronde ». M. Ahmed Baba Miské, doctrinalement acquis au putschisme, avait clairement jeté un pavé dans la mare en appelant de ses vœux une mise sous tutelle constitutionnelle par l’armée, des institutions politiques démocratiques, un peu à l’exemple de certains pays comme la Turquie. Il ne lui fut répondu, à ma connaissance, que par le silence désinvolte d’une classe politique qui néglige souvent, sous nos cieux, l’importance des débats publics, fussent-ils non polémiques et préfère se concentrer sur les contradictions politiques du moment et les urgences tactiques de l’instant. Au plus fort de la fronde, et à la veille du coup d’Etat du 6 août, un autre partisan des autorités putschistes, M. Moustapha Ould Abeidarahmane, reconnaîtra ouvertement l’existence d’un « camp » politique formé par les parlementaires frondeurs et les « militaires » des FAS (Forces Armées et de Sécurité comme il l’écrit), suggérant que fût entériné le principe d’une supervision « molle » de la vie politique par ces FAS : « Dans le contexte du mandat présent du Président de la République (SIDIOCA), il est d’une nécessité absolue que les deux pôles institutionnels de la majorité (l’exécutif et le parlementaire) consultent et écoutent les dirigeants des FAS avec lesquels une concertation sérieuse doit être assurée de manière permanente sur toutes les questions d’intérêt national et sur toutes les évolutions souhaitées ou souhaitables du système démocratique pour son assise permanente et consensuelle dans notre pays » écrira t-il benoîtement, dans le Quotidien de Nouakchott, immédiatement avant le Coup d’Etat d’Août 2008…
Ex post facto, il apparaît clairement que de telles prises de position d’intellectuels et hommes politiques éminents du clan des putschistes étaient surtout destinées à agiter les esprits et à les préparer à accepter l’inacceptable : une prise de pouvoir plus franche, moins invisible d’une fraction de l’armée au détriment des civils, même élus, voués à la soumission et à l’obéissance aux hommes en armes. Aussi, dès le départ, la lutte contre le coup d’Etat en Mauritanie avait-elle eu pour enjeu et finalité de ramener définitivement et pour de bon, l’armée dans les casernes en mettant fin au mélange des genres qui, depuis une trentaine d’années avait fini par rendre impossible toute vie politique et institutionnelle normale, et même toute vie économique et sociale cohérente, c'est-à-dire libre et démocratique suivant les nouvelles exigences de ce bas monde. Cette échéance seule pouvait et devait valoir le geste proprement historique de l’unique Président de la république démocratiquement élu en Mauritanie depuis 1960 : la renonciation volontaire à son mandat en contrepartie du retour à la constitution, y compris pour les officiers supérieurs qui l’avaient bafoué. Le pôle militariste avait voulu, à Dakar, que fût passée sous silence cette donne fondamentale dans l’architecture de la solution globale consensuelle de sortie de crise que la communauté internationale avait parrainée. D’abord par des manœuvres filandreuses puis par le forcing. Ce fut peine perdue : tout compromis véritable supposait que, par définition, le coup d’Etat soit enterré et que l’esprit et la lettre de la constitution soient respectés. Ce fut chose faite, clairement, à Dakar II.
Mais tout le monde a vu comment, après avoir pris auprès des médiateurs du Sénégal et du Groupe de contact international (GCI) des engagements fermes d’inscrire l’ACD (l’Accord-cadre) dans le socle de la constitution nationale et, en conséquence, de mettre fin à la diversité surréaliste des pouvoirs à Nouakchott ( celui du HCE, de « plein exercice » malgré le faux semblant de la démission de son président effectif, celui du président « intérimaire » qui n’avait même pas de chrysanthèmes à inaugurer et, enfin, celui du Président légitime entravé et reclus à Lemden), le pôle putschiste a voulu faire légaliser, par force, sa mainmise sur l’ensemble du processus de sortie de crise, en consacrant le HCE comme structure indépendante, hors constitution et hors contrôle du Gouvernement d’union nationale en charge de la transition et des élections prévues. Et en opérant de facto, comme réserve stratégique du candidat Aziz aussi pesant et invisible dans le jeu politique que l’anti-matière dans la balance générale des forces de l’Univers.
Ce camp putschiste, il est vrai, n’a cessé depuis de longs mois, de profiter de l’opportunisme sécuritaire de certains de nos plus proches partenaires européens, davantage préoccupés de disposer à Nouakchott d’une machine de guerre « anti-terroriste » et anti immigration clandestine que d’aider notre pays à rétablir son ordre constitutionnel bafoué. N’eût-été la détermination des africains, et sûrement aussi des américains, à soumettre les parties à une forte pression pour respecter l’ensemble des engagements contractés à Dakar I (y compris le principe de dissolution du HCE ou, pour le moins, sa soumission à la direction politique consensuelle du pays (le GUN), il est clair que la crise aurait continué, voir revêtu sa forme ultime, antagonique : la confrontation pure et simple.
Le Président Wade et le GCI ont fait accepter, cette fois à Nouakchott même, comme solution de compromis, non la dissolution mais l’acceptation de soumission du HCE au GUN, se conformant ainsi à la constitution légitime, comme l’exigeait le Président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, avant de signer l’acte de sa propre démission comme Président de la République et permettre une vraie transition consensuelle.
La question qui se pose maintenant est celle de savoir ce que signifie cet «engagement» du pôle putschiste par rapport à l’évolution que pourrait connaître le pays au terme de cette présidentielle réellement historique.
Pour ce camp, seule une victoire du général Aziz pourrait permettre de faire l’impasse sur la question. Les choses reprendraient alors le cours qu’elles empruntaient depuis août et que juin n’a pu permettre de conforter définitivement. Ce serait alors la pire régression politique que le pays connaîtrait dans son histoire depuis la fin de la colonisation. Toutes les forces rétrogrades se déchaîneraient pour mener à son terme, à visage découvert et en toute légalité, la révolution conservatrice antidémocratique qui a été, au fond, à l’origine du Coup d’Etat d’août, sous l’œil vigilant d’un commandement militaire suprême ouvertement confirmé (probablement par reforme constitutionnelle) dans son rôle de parrainage de la république.
Cette aspiration transparaît clairement dans le dernier communiqué de l’ex HCE, transformé en Conseil National de défense, prenant acte des conclusions de la dernière médiation du Président Wade à Nouakchott. Si cette instance y déclare vouloir agir conformément à la constitution (sans jamais faire réellement acte d’allégeance aux autorités civiles seules légitimes désormais, à savoir le président de la république par intérim et, surtout, le Gouvernement d´union nationale représentatif des trois pôles politiques ), elle tente en même temps de justifier l’injustifiable à savoir sa prise de pouvoir et la destitution du Président légitime pour « sauver le pays et défendre les acquis démocratiques », par sa seule volonté unilatérale et subjective. Il n’y a nul engagement de la part de ces officiers supérieurs de renoncer, dans le présent autant qu’au futur, à toute intrusion dans la vie politique, pour quelque motif que ce soit et suivant leur seule appréciation personnelle. Nulle part, ils ne proclament leur soumission pure et simple aux seules autorités légitimes, élues par le peuple et leur détermination à agir selon les règles qui découlent de leur serment de fidélité à la constitution et à la nation.
En fait, comme le montre clairement la réalité tangible depuis la démission du Général Aziz du HCE et de l’armée, cette institution a continué à lui obéir, à n’agir que suivant ses instructions, certains de ses membres se comportant comme des militants politiques armés, battant campagne pour le Généralissime, jusqu’au dernier jour de l’ultime négociation de Nouakchott et l’adoption de ce fameux communiqué de mutation en Conseil national de Défense, de l’institution putschiste. Si la nouvelle mouture de l’institution militaire se dit «conscient(e) de ses responsabilité s envers la nation (et) entend accomplir ses tâches conformément à la constitution et aux lois de la République », elle n’en semble pas moins persister dans la voie inquiétante de l’interprétation unilatérale et politique des conditions d’exercice de sa mission lorsqu’elle proclame sans ambages qu’elle «restera toutefois vigilant(e)vis-à -vis de toute action tendant à porter préjudice au climat de paix et de sécurité dans le pays » comme si cette vigilance pouvait se faire en dehors des directives et instructions formelles des autorités civiles légitimes …
Au vu de ce qui précède, on peut sérieusement s’interroger sur ce que sera l’attitude collective de ce haut commandement militaire en cas de défaite électorale de leur ancien compagnon d’armes démissionnaire, comme on peut s’y attendre raisonnablement. Si, comme on peut l’espérer, ces officiers supérieurs -dont nul ne conteste la compétence technique et la valeur personnelle, respectent leur statut formel et s’en tiennent au consensus entre les pôles accrédité par la communauté internationale dans son ensemble, alors l’honneur de l’Armée sera sauf et notre pays se sera engagé réellement dans la voie de la réconciliation nationale « gagnant-gagnant » pour les acteurs.
Le futur Président de la république, issu du pôle démocratique élargi (Messaoud Ould Boulkheir , Ahmed Ould Daddah ou Ely ould Mohamed Vall) tiendra forcément compte de cette donne dans l’ attribution de fonctions des membres du Haut commandement de l’armée et de la sécurité, sans règlement de comptes ni favoritisme, chacun suivant sa seule expérience, son grade et ses mérites personnels, en tenant compte des besoins de cohésion des rangs de nos forces de défense et de sécurité. Il n’y aura à coup sûr, ni disgrâce ni promotion de faveur, motivés par des considérations politiciennes. Les choses rentreraient dans l’ordre et notre pays aura alors définitivement tourné la page de l’interventionnisme militaire dans la paix et la concorde et chacun y trouvera en définitive son compte avec la bénédiction et la reconnaissance jubilatoire du reste du monde. Dans le cas contraire, si le verdict des urnes n’était pas respecté ou si l’élection devait être interrompu par des actes de provocation télécommandés, les auteurs prendraient un risque immense de mettre notre pays dans un état de crise ouverte sans précédent, aux conséquences incalculables qu’aucun démocrate de quelque bord que ce soit ne pourrait accepter et que la communauté internationale dans son ensemble condamnera et combattra avec plus de vigueur et de lucidité encore qu’elle ne l’avait fait après le coup d’Etat d’août. Nous vivrions alors le scenario catastrophe que tout le monde redoute et dont il ne sera pas facile de sortir. Dans l’hypothèse d’une victoire du candidat Ould Abdel Aziz, le pôle démocratique dans son ensemble n ’aura de choix que d’en prendre acte, de féliciter le vainqueur et de se préparer à engager sur le terrain exclusivement politique, et dans le respect de la légalité, une opposition ferme et déterminée, le temps qu’il faudra, pour extirper le militarisme de nos mœurs politiques et ancrer la démocratie véritable dans notre pays. Dans la paix civile et l’unité nationale.
Telles sont les deux options possibles du scrutin du 18 juillet et son enjeu véritable.
Puisse notre démocratie en sortir vainqueur et s’ouvrir toute grande, dans tous les cas de figure, la voie de la réconciliation nationale et de la concorde républicaine.
Lô Gourmo Abdoul