Le 10 novembre 2008, un processus pour le règlement définitif du « passif humanitaire » a été enclenché sur ordre du président du HCE, chef de l’Etat qui venait d’accéder fraîchement à la magistrature suprême suite à un coup de force mené le 6 août de la même année.
Cette initiative avait été bien accueillie dans les milieux des organisations de défense des droits des victimes regroupés au sein du collectif des victimes de la répression (Covire). Près d’un an après le lancement de ce processus des pas ont été certes franchis et un protocole d’accord censé avoir clos définitivement le dossier a été signé.
Mais malgré tout cela, le dossier est loin d’avoir été clos et la scission au sein du Covire en dit long sur l’importance des obstacles qui se sont dressés devant l’aboutissement à un règlement consensuel cautionné par tous.
Vendredi matin, le comité de crise du Covire regroupant des dissidents issus de plusieurs associations de victimes a organisé une conférence de presse pour «informer l’opinion sur l’opacité du processus de règlement du passif humanitaire, un processus qui a été marqué par des manquements criants.»
Les conférenciers ont dénoncé un manque cruel de lisibilité s’agissant du mandat confié au colonel Dia Adama. Ils ont exigé pour ce faire une redéfinition claire de la feuille de route estimant que le processus était biaisé. Ils ont estimé que les représentants des victimes au sein de la commission ont été choisis unilatéralement en dehors de toute concertation.
Autre grief souligné, la démarche entreprise a, elle-même, été remise en cause. En effet, « On a voulu traiter le problème graduellement en commençant d’abord par les veuves. Celles-ci n’ont pas été impliquées dans ce règlement ». Autre chose: « Les missions effectuées à l’intérieur du pays se sont déroulées dans une opacité totale.
Les revendications des victimes n’ont pas été prises en compte. Et le comble c’était qu’on fasse signer aux veuves un protocole (voir encadré)dont elles ignoraient tout. Le fait de faire signer un tel document à des femmes analphabètes est un abus de confiance. Le Covire ignore tout de ce document et jusqu’à ce jour. C’est là plus qu’une trahison . C’est un coup de poignard ».
Le comité de crise estime qu’il est de son devoir de s’adresser à l’opinion publique et au président élu pour leur faire le point de ce qui s’est passé. C’est « une obligation morale ». Le comité de crise dit attendre une réponse à toutes les questions posées. Elle préconise la mise en place d’une commission d’enquête conformément aux recommandations des journées de concertation.
S’agissant des compensations financières, le comité de crise a tenu à faire une mise au point affirmant qu’il ne s’agit pas d’une indemnisation mais qu’il s’agissait comme a eu à le noter le colonel Dia de mesures destinées à «soulager les parents des victimes.»
Par ailleurs, le fameux protocole devait être signé par la présidente accompagnée de la secrétaire générale du collectif qui n’avait finalement pas été convié. A l’heure qu’il est, 229 veuves ont reçu une prime. Dix d’entre elles attendent toujours de recevoir l’argent qui leur est destiné.
M. Diop Abdoulaye, le chargé des relatons intérieures du Covire s’est élevé contre : « la marginalisation des ayant droits dans la constitution de la commission. Par ailleurs à un certain moment, on avait dit qu’on ne va parler que des victimes militaires, pour les civils, cela nécessitait disait-on une commission d’enquête. »
Revenant sur la question des réparations. M. Diop dira : « Jusqu’à la dernière minute, on ne savait pas quel était le montant proposé. Avant on avait parlé de 15 millions d’ouguiyas par victime en plus d’un terrain à Tevragh Zeina. Et pour l’achat des dits terrains, un milliard d’ouguiyas avait été débloqué mais jusque là on ne voit rien. »
Et pour la secrétaire générale du collectif des veuves, on parle maintenant d’octroyer des terrains à Arafat ou Dar El Beida. M. Diop est revenu à la charge pour s’interroger sur ce qui a été fait des fonds remis par le HCE au président du Covire M.Sy Abou.
« Au début de la campagne, on avait remis au Covire 3 millions d’ouguiyas. Qu’a-t-on fait de ces fonds? » Pour lui : « si le général croit à la réparation, il doit reprendre le processus de A à Z rappelant au passage les 4 devoirs qui incombent aux victimes que sont : la vérité, la justice, la mémoire et la réparation.»
Le 5ème devoir à savoir la cohabitation ou la réconciliation c’est l’Etat qui le sollicite. Pour M. Diop : « une commission nationale indépendante doit étudier le dossier de l’intégration en s’inspirant de ce qui s’est passé en Afrique du Sud, au Maroc et ailleurs en Amérique latine. Au Maroc par exemple, on avait ouvert un dossier pour les réparations pour une durée de 2 ans. Les victimes pouvaient passer s’inscrire. »
Pour sa part, le vice-président du collectif des enfants des victimes civils et militaires a affirmé que l’approche suivie pour le règlement du passif humanitaire est mauvaise. Ce fut ensuite au tour de madame Houleye Sall, présidente du collectif des veuves d’enfoncer le clou : « Les dirigeants du Covire n’ont pas tenu leurs engagements à notre égard. Certains d’entre nous ont perçu une indemnité mais d’autres attendent toujours.
Pour les terrains promis aussi on ne voit toujours rien. On nous a longuement traîné. Pour s’enquérir de la situation, j’ai pris l’initiative avec certains de mes amies de rendre visite au colonel Dia Adama chez lui. Nous ne l’avions pas trouvé mais sa femme l’a informé par téléphone.
A son tour, il a téléphoné à Sy Abou le président du Covire. Ce dernier a alors dépêché chez moi une délégation dirigée par Abou Sidibé et N’Gaïdé. Ils sont venus me voir et m’ont demandé pourquoi j’étais allé chez le colonel Dia. Ils étaient mécontents et m’ont dit que celles qui n’ont pas encore perçu leur argent ne le percevront plus en représailles à cette visite imprévue. Je leur ai répondu : « ce n’est pas mon problème. Si les réparations sont dans vos poches profitez-en et payez des voitures ».
Et pour ce qui est de la signature du fameux protocole d’accord, Mme Sall dira : « Je suis analphabète. J’avais l’habitude d’aller percevoir la pension de mon mari et on me présentait toujours un papier à signer donc je pensai que c’était la même chose. »
Enfin, pour le porte-parole du Covire M. Kane Seydou : « ce qui s’est passé aujourd’hui au niveau du Covire était prévisible. Ce dossier a été géré dans l’opacité. Et dans la gestion du processus il y a eu un glissement de type régionaliste, clanique et familial. Le président du Covire et son secrétaire général sont de la même région.
Par ailleurs, il y a eu une tentative de récupération du dossier. C’est ainsi que la présidente du collectif des veuves a été amenée à 2 heures du matin à la présidence. Des sacs d’argent ont été distribués. En novembre on avait rencontré le général Aziz.
Nous étions très rassurés par ses propos. Nous avons gardé un bon souvenir de cette rencontre. Aujourd’hui plus que jamais, nous demandons aux nouvelles autorités de prendre les mesures qui s’imposent pour régler ce dossier. La solution ne peut passer que par les victimes. En tant que victimes, nous sommes prêts à accompagner ce processus sur la base d’un règlement juste et équitable ».
Compte rendu Bakari Guèye
source : Le Divan
Cette initiative avait été bien accueillie dans les milieux des organisations de défense des droits des victimes regroupés au sein du collectif des victimes de la répression (Covire). Près d’un an après le lancement de ce processus des pas ont été certes franchis et un protocole d’accord censé avoir clos définitivement le dossier a été signé.
Mais malgré tout cela, le dossier est loin d’avoir été clos et la scission au sein du Covire en dit long sur l’importance des obstacles qui se sont dressés devant l’aboutissement à un règlement consensuel cautionné par tous.
Vendredi matin, le comité de crise du Covire regroupant des dissidents issus de plusieurs associations de victimes a organisé une conférence de presse pour «informer l’opinion sur l’opacité du processus de règlement du passif humanitaire, un processus qui a été marqué par des manquements criants.»
Les conférenciers ont dénoncé un manque cruel de lisibilité s’agissant du mandat confié au colonel Dia Adama. Ils ont exigé pour ce faire une redéfinition claire de la feuille de route estimant que le processus était biaisé. Ils ont estimé que les représentants des victimes au sein de la commission ont été choisis unilatéralement en dehors de toute concertation.
Autre grief souligné, la démarche entreprise a, elle-même, été remise en cause. En effet, « On a voulu traiter le problème graduellement en commençant d’abord par les veuves. Celles-ci n’ont pas été impliquées dans ce règlement ». Autre chose: « Les missions effectuées à l’intérieur du pays se sont déroulées dans une opacité totale.
Les revendications des victimes n’ont pas été prises en compte. Et le comble c’était qu’on fasse signer aux veuves un protocole (voir encadré)dont elles ignoraient tout. Le fait de faire signer un tel document à des femmes analphabètes est un abus de confiance. Le Covire ignore tout de ce document et jusqu’à ce jour. C’est là plus qu’une trahison . C’est un coup de poignard ».
Le comité de crise estime qu’il est de son devoir de s’adresser à l’opinion publique et au président élu pour leur faire le point de ce qui s’est passé. C’est « une obligation morale ». Le comité de crise dit attendre une réponse à toutes les questions posées. Elle préconise la mise en place d’une commission d’enquête conformément aux recommandations des journées de concertation.
S’agissant des compensations financières, le comité de crise a tenu à faire une mise au point affirmant qu’il ne s’agit pas d’une indemnisation mais qu’il s’agissait comme a eu à le noter le colonel Dia de mesures destinées à «soulager les parents des victimes.»
Par ailleurs, le fameux protocole devait être signé par la présidente accompagnée de la secrétaire générale du collectif qui n’avait finalement pas été convié. A l’heure qu’il est, 229 veuves ont reçu une prime. Dix d’entre elles attendent toujours de recevoir l’argent qui leur est destiné.
M. Diop Abdoulaye, le chargé des relatons intérieures du Covire s’est élevé contre : « la marginalisation des ayant droits dans la constitution de la commission. Par ailleurs à un certain moment, on avait dit qu’on ne va parler que des victimes militaires, pour les civils, cela nécessitait disait-on une commission d’enquête. »
Revenant sur la question des réparations. M. Diop dira : « Jusqu’à la dernière minute, on ne savait pas quel était le montant proposé. Avant on avait parlé de 15 millions d’ouguiyas par victime en plus d’un terrain à Tevragh Zeina. Et pour l’achat des dits terrains, un milliard d’ouguiyas avait été débloqué mais jusque là on ne voit rien. »
Et pour la secrétaire générale du collectif des veuves, on parle maintenant d’octroyer des terrains à Arafat ou Dar El Beida. M. Diop est revenu à la charge pour s’interroger sur ce qui a été fait des fonds remis par le HCE au président du Covire M.Sy Abou.
« Au début de la campagne, on avait remis au Covire 3 millions d’ouguiyas. Qu’a-t-on fait de ces fonds? » Pour lui : « si le général croit à la réparation, il doit reprendre le processus de A à Z rappelant au passage les 4 devoirs qui incombent aux victimes que sont : la vérité, la justice, la mémoire et la réparation.»
Le 5ème devoir à savoir la cohabitation ou la réconciliation c’est l’Etat qui le sollicite. Pour M. Diop : « une commission nationale indépendante doit étudier le dossier de l’intégration en s’inspirant de ce qui s’est passé en Afrique du Sud, au Maroc et ailleurs en Amérique latine. Au Maroc par exemple, on avait ouvert un dossier pour les réparations pour une durée de 2 ans. Les victimes pouvaient passer s’inscrire. »
Pour sa part, le vice-président du collectif des enfants des victimes civils et militaires a affirmé que l’approche suivie pour le règlement du passif humanitaire est mauvaise. Ce fut ensuite au tour de madame Houleye Sall, présidente du collectif des veuves d’enfoncer le clou : « Les dirigeants du Covire n’ont pas tenu leurs engagements à notre égard. Certains d’entre nous ont perçu une indemnité mais d’autres attendent toujours.
Pour les terrains promis aussi on ne voit toujours rien. On nous a longuement traîné. Pour s’enquérir de la situation, j’ai pris l’initiative avec certains de mes amies de rendre visite au colonel Dia Adama chez lui. Nous ne l’avions pas trouvé mais sa femme l’a informé par téléphone.
A son tour, il a téléphoné à Sy Abou le président du Covire. Ce dernier a alors dépêché chez moi une délégation dirigée par Abou Sidibé et N’Gaïdé. Ils sont venus me voir et m’ont demandé pourquoi j’étais allé chez le colonel Dia. Ils étaient mécontents et m’ont dit que celles qui n’ont pas encore perçu leur argent ne le percevront plus en représailles à cette visite imprévue. Je leur ai répondu : « ce n’est pas mon problème. Si les réparations sont dans vos poches profitez-en et payez des voitures ».
Et pour ce qui est de la signature du fameux protocole d’accord, Mme Sall dira : « Je suis analphabète. J’avais l’habitude d’aller percevoir la pension de mon mari et on me présentait toujours un papier à signer donc je pensai que c’était la même chose. »
Enfin, pour le porte-parole du Covire M. Kane Seydou : « ce qui s’est passé aujourd’hui au niveau du Covire était prévisible. Ce dossier a été géré dans l’opacité. Et dans la gestion du processus il y a eu un glissement de type régionaliste, clanique et familial. Le président du Covire et son secrétaire général sont de la même région.
Par ailleurs, il y a eu une tentative de récupération du dossier. C’est ainsi que la présidente du collectif des veuves a été amenée à 2 heures du matin à la présidence. Des sacs d’argent ont été distribués. En novembre on avait rencontré le général Aziz.
Nous étions très rassurés par ses propos. Nous avons gardé un bon souvenir de cette rencontre. Aujourd’hui plus que jamais, nous demandons aux nouvelles autorités de prendre les mesures qui s’imposent pour régler ce dossier. La solution ne peut passer que par les victimes. En tant que victimes, nous sommes prêts à accompagner ce processus sur la base d’un règlement juste et équitable ».
Compte rendu Bakari Guèye
source : Le Divan