
Le tout nouveau premier ministre a parlé. Il n’y a qu’une seule chose que j’ai retenue de son discours : la condamnation par principe du coup d’état par le parlement européen est normal.
Et les condamnations internes ? Je dirai moi aussi que la plupart relève du même principe et que c’est aussi normal. Oui, il y a eu coup d’état. Oui, les démocraties ne s’accommodent pas de telles manières de prise du pouvoir. Oui les institutions internationales ne peuvent être d’accord. Et la classe politique mauritanienne a réagi.
Les réactions peuvent sembler différentes ou divergentes pour l’homme de la rue. Mais pour l’homme politique averti, malgré les différences de forme, qu’elles soient pour ou contre le coup d’état, qu’elles se déclarent neutres, elles ne disent toutes en majorité qu’une seule chose : il ne doit plus y avoir de coup de force dans le pays. Certains l’ont indiqué directement par des condamnations vigoureuses de principe ou d’intérêt, et des manifestations contre la junte au pouvoir. D’autres l’ont indiqué à leur manière par une toute autre stratégie politique qui n’est pas forcément comprise ou admise par les tenants de la condamnation sans ambiguïté. Par les « nous soutenons » ou les « nous prenons acte », la plupart de ces organisations a tenu non pas à légitimer la prise du pouvoir par la force, mais paradoxalement à condamner un mode de gestion du pays qui pourrait très souvent nous conduire à de telles dérives. Je ne dis pas que la gestion calamiteuse du pays qui a conduit à cette situation est de la responsabilité exclusive de l’ancien chef de l’état. Mais je soutiens que quand la démocratie est prise en otage par des conflits d’intérêt, quand la démocratie ne rime qu’avec élections, oubliant ce qui devrait être ses véritables fondamentaux, à savoir l’égalité des citoyens et des identités nationales, une justice juste pour tous, et une véritable citoyenneté remplissant non seulement ses droits, mais aussi ses devoirs et ses obligations envers la nation, quand la démocratie oublie que les premiers droits et les premières égalités à assurer sont ceux de manger à sa faim, de boire à sa soif, de se soigner, de s’éduquer et de se loger dans la dignité, alors le citoyen lambda, méprisé et avili, sera toujours pressé de voir le changement, dans l’espoir que le futur inconnu sera toujours plus prometteur et plus rassurant, quelques soient les moyens et la forme utilisés pour y parvenir.
Le parlement européen, dans sa dernière résolution, a dit attendre du nouveau pouvoir un calendrier clair pour l’organisation des élections promises par la junte. Il y a quelques jours, c’est Louis Michel qui disait qu’il revenait aux mauritaniens de trouver la solution la mieux adaptée à la situation. Marie Isler Béguin, qui avait supervisé nos dernières élections n’a rien dit de différent, sauf qu’elle remarquait que le putsch est soutenu par une majorité de parlementaires et d’élus locaux. La réalité est que le processus d’institutionnalisation d’une nouvelle transition politique fait son bonhomme de chemin. Après les condamnations de principe, le monde revient à la real politique. Et qu’attendent les mauritaniens ? Le camp du FNDD attendait beaucoup du soutien de l’extérieur, quitte à désavouer publiquement son président qui souhaitait éviter au pays le spectre des sanctions économiques. Mais l’extérieur, c’est comme d’habitude, le chaud et puis brusquement le froid. Le chaud, parce qu’il est impératif, pour une consommation interne dont dépend les baromètres des sondages de popularité des dirigeants occidentaux, de rappeler à chaque fois que cela est nécessaire les éminents principes du discours de La Baule. Et ensuite le froid, par réalisme pour des questions d’intérêt des états, ces intérêts qui ont de tout temps guidé les politiques étrangères dans le monde.
Il faut se ressaisir. Nous devons l’admettre, cette vérité, même si elle est amère pour certains : Sidi n’acceptera plus les généraux et ces derniers ne pourront plus jamais lui remettre le pouvoir. Que les partisans du jusqu’au-boutisme veuillent obliger les occidentaux à accentuer les sanctions, ils n’auront rien d’autre que les résultats obtenus face à Robert Mugabe au Zimbabwe, une inflation de plus de 1000% en un an et un peuple qui vivra dans la misère la plus abjecte. Alors, la réalité est là. Les militaires sont aux commandes. C’est avec eux qu’il faut traiter. Il faudra et leur parler et travailler avec eux. Deux choses doivent nous préoccuper : la sérénité et la réussite de cette énième transition. La sérénité par l’arrêt des confrontations inutiles et la libération des détenus au premier chef desquels le président déchu. Il faudra solder ce conflit en arrêtant les poursuites engagées contre l’ex première dame et sa fondation. La réussite passera forcément par une analyse rigoureuse des injustices et autres problèmes nationaux qui pourraient demain nous conduire à de telles situations. Si aujourd’hui le conflit a opposé les institutions de la république, hier il était seulement personnel entre gradés au pouvoir, et demain ? Demain ce sera peut-être au tour des radicaux négro-africains déçus du peu d’intérêt que suscite leur marginalisation de prendre les armes. Ce sera peut-être le tour des orphelins et des veuves qui en auront marre du refus de fait de solder le passif humanitaire de Taya afin de leur permettre en fin de faire leur deuil. Ce seront peut-être les cellules dormantes des mouvements politiques inspirés d’idéologies totalitaires tels que les baathistes, le nasséristes ou les islamistes radicaux qui mettront le pays à feu et à sang. Mais ce seront peut être aussi ces anciens esclaves, libres sur le papier mais enchaînés par la misère et l’ignorance qui se déchaîneront comme une traînée de foudre contre le système établi.
Il faut se ressaisir, la solution ne passera que par le dialogue. Elle ne passera que par des concessions rassurantes. Le premier ministre vient d’annoncer la convocation des états généraux de la démocratie. Voilà une belle occasion pour remettre le pays à plat. Mais encore faut-il qu’il y ait une participation de toutes et de tous, faut-il qu’il y ait des mesures d’accompagnement et le délai nécessaire, faut-il qu’il y ait une gestion collégiale de ses journées. Ces mesures d’accompagnement devront d’abord permettre de regagner la confiance de la classe politique et de la société civile. En ce sens elles devront obligatoirement passer par les mesures de sérénité citées plus haut : il faut d’abord libérer Sidi et lui donner tous les honneurs et les droits liés à son rang d’ancien chef de l’état. Il faut donner aux partenaires politiques et civils le temps de pouvoir travailler la question. Mais il faut aussi que ces derniers acceptent que dans l’adversité, point de salut sans dialogue. Ce dialogue devra désormais nous permettre de penser notre société et de panser toutes nos plaies. Il est temps de mettre en place une véritable alternative au chaos permanent.
Le 19 janvier 2007, lors de la précédente transition militaire, j’avais attiré l’attention des mauritaniens par un article publié sur Cridem et intitulé « Pourquoi pas dix ans de plus SI… ». Aujourd’hui, quelque soit leur position, les mauritaniens ont désapprouvé dans leur écrasante majorité la prise du pouvoir par la force. Cela veut-il dire qu’il faut revenir au système d’avant 06 août 2008 ? Je ne le pense pas. Quand une douleur apparaît, il ne suffira plus de l’arrêter en donnant au malade de simples calmants, il faut analyser et soigner la maladie à sa racine. Ce qu’on voit aujourd’hui, c’est que des organisations qui jadis mettaient le citoyen au cœur de leur politique en ayant la résolution de la question nationale comme préoccupation fondamentale, sont entrain de tomber dans les travers et les fautes du MND historique. Obnubilés par la vitesse du coup de force des militaires et le discours internationaliste ambiant sur la démocratie, si ce n’est par leurs intérêts personnels, ces organisations risquent d’oublier leur bible, leur livre de chevet. Des organisations historiques comme l’UDM ou le MPAM, en passant par l’ODINAM jusqu’aux FLAM et à l’AJD/MR, tout ce que le jargon politique national a appelé « mouvements nationalistes négro-africains », a toujours privilégié la résolution des questions nationale et sociale sur toute autre programme politique. Gourmo Lô avait raison, le MND n’a jamais nié la question nationale, mais seulement l’a toujours considérée comme secondaire par rapport à d’autres préoccupations de la lutte des classes. Il est vrai que ce que veulent Bush et Sarkozy c’est l’organisation d’élections « libres et transparentes », mais ce qui préoccupe les mauritaniens, c’est avant tout la mise en place d’un état viable dans lequel tout mauritanien se retrouverait, un état dans lequel ne planerait plus le spectre de la violence. Il est vrai que cette dernière résolution du parlement européen du 04 septembre 2008 n’oublie pas certaines souffrances du peuple mauritanien comme la question des déportés et le passif humanitaire, mais entre les actes et la parole, nous n’oublierons non plus que ces questions de déportés et de passif faisaient partie des 24 points de l’Union Européenne lors de la dernière transition de 2005, mais furent renvoyés aux calendes grecques au profit de l’organisation rapide des élections. Nous ne devons non plus oublier les accords de Dakar de 2005 qui n’ont engagé que ceux qui y croyaient. Ce qu’il faut tout d’abord, c’est comme l’aurait dit le Général Ould Abdel Aziz à un leader politique mauritanien, amener les mauritaniens et les mauritaniennes à pouvoir se regarder en face sans haine ni rancune. Pour cela, ce que les mauritaniens doivent privilégier, c’est la réconciliation nationale qui passe forcément par le solde des crimes politiques et racistes commis sous la dictature du sanguinaire Taya et le règlement définitif des contradictions liées à la cohabitation de nos différentes composantes nationales. Aujourd’hui, l’Union africaine, L’Union européenne, la Ligue arabe, et tout l’Occident sont au chevet de notre pays malade. Mais leurs remèdes seront-ils les bons ? Non, pas si sûr que ça. Ils sont tous entrain de chercher un terrain d’entente simpliste et moins coûteux entre le clan Sidioca et celui des militaires. Mais c’est à nous de le leur faire savoir et d’exiger que la maladie soit traitée à partir de ses racines. C’est à nous de leur faire admettre que le retour à un ordre constitutionnel viable ne pourrait passer que par le règlement définitif des questions fondamentales. Si c’est le retour à la légalité constitutionnelle par l’organisation imminente de nouvelles élections qui préoccupe nos partenaires, c’est d’abord l’égalité et l’équité constitutionnelles par la remise à plat du système discriminatoire et le solde des passifs politiques qui doivent constituer notre credo.
Il est vrai que la conjoncture internationale et les principes de démocratie veulent que les coups de force soient bannis. Nous avons entendu ce cri légitime. Nous avons désapprouvé la prise du pouvoir par les militaires. Mais la realpolitik est là. Ce sont les militaires qui sont au pouvoir. C’est donc aux militaires qu’il faut parler. Notre préoccupation, si nous voulons éviter de tomber dans les travers, c’est de défendre notre ligne fondamentale : la lutte contre le système par le règlement préalable du problème fondamental de la cohabitation. Allons voir le général Ould Abdel Aziz. Présentons nos préoccupations. S’il est prêt à trouver un cadre d’entente pour des solutions à nos préoccupations, pourquoi pas, soutenons l’action. S’il le faut, travaillons avec lui. Au cas contraire, combattons, non pour un retour à un ordre constitutionnel qui ne cesse de plus en plus à nous marginaliser, un ordre constitutionnel dans lequel les mauritaniens continuerons à se regarder en chiens de faïence, un ordre constitutionnel dans lequel les riches s’enrichissent et les pauvres s’appauvrissent, mais pour un ordre juste et égalitaire, un ordre de paix et de concorde nationale. C’est le seul gage d’un ordre constitutionnel viable et valable pour tous les mauritaniens sans exclusive ni discrimination. Pour, qu’enfin, il y ait des élections véritablement libres et démocratiques. Pour un retour sans entraves à la légalité constitutionnelle.
Depuis Gretz Armainvilliers
Le 08 septembre 2008
Amadou Alpha BA
Et les condamnations internes ? Je dirai moi aussi que la plupart relève du même principe et que c’est aussi normal. Oui, il y a eu coup d’état. Oui, les démocraties ne s’accommodent pas de telles manières de prise du pouvoir. Oui les institutions internationales ne peuvent être d’accord. Et la classe politique mauritanienne a réagi.
Les réactions peuvent sembler différentes ou divergentes pour l’homme de la rue. Mais pour l’homme politique averti, malgré les différences de forme, qu’elles soient pour ou contre le coup d’état, qu’elles se déclarent neutres, elles ne disent toutes en majorité qu’une seule chose : il ne doit plus y avoir de coup de force dans le pays. Certains l’ont indiqué directement par des condamnations vigoureuses de principe ou d’intérêt, et des manifestations contre la junte au pouvoir. D’autres l’ont indiqué à leur manière par une toute autre stratégie politique qui n’est pas forcément comprise ou admise par les tenants de la condamnation sans ambiguïté. Par les « nous soutenons » ou les « nous prenons acte », la plupart de ces organisations a tenu non pas à légitimer la prise du pouvoir par la force, mais paradoxalement à condamner un mode de gestion du pays qui pourrait très souvent nous conduire à de telles dérives. Je ne dis pas que la gestion calamiteuse du pays qui a conduit à cette situation est de la responsabilité exclusive de l’ancien chef de l’état. Mais je soutiens que quand la démocratie est prise en otage par des conflits d’intérêt, quand la démocratie ne rime qu’avec élections, oubliant ce qui devrait être ses véritables fondamentaux, à savoir l’égalité des citoyens et des identités nationales, une justice juste pour tous, et une véritable citoyenneté remplissant non seulement ses droits, mais aussi ses devoirs et ses obligations envers la nation, quand la démocratie oublie que les premiers droits et les premières égalités à assurer sont ceux de manger à sa faim, de boire à sa soif, de se soigner, de s’éduquer et de se loger dans la dignité, alors le citoyen lambda, méprisé et avili, sera toujours pressé de voir le changement, dans l’espoir que le futur inconnu sera toujours plus prometteur et plus rassurant, quelques soient les moyens et la forme utilisés pour y parvenir.
Le parlement européen, dans sa dernière résolution, a dit attendre du nouveau pouvoir un calendrier clair pour l’organisation des élections promises par la junte. Il y a quelques jours, c’est Louis Michel qui disait qu’il revenait aux mauritaniens de trouver la solution la mieux adaptée à la situation. Marie Isler Béguin, qui avait supervisé nos dernières élections n’a rien dit de différent, sauf qu’elle remarquait que le putsch est soutenu par une majorité de parlementaires et d’élus locaux. La réalité est que le processus d’institutionnalisation d’une nouvelle transition politique fait son bonhomme de chemin. Après les condamnations de principe, le monde revient à la real politique. Et qu’attendent les mauritaniens ? Le camp du FNDD attendait beaucoup du soutien de l’extérieur, quitte à désavouer publiquement son président qui souhaitait éviter au pays le spectre des sanctions économiques. Mais l’extérieur, c’est comme d’habitude, le chaud et puis brusquement le froid. Le chaud, parce qu’il est impératif, pour une consommation interne dont dépend les baromètres des sondages de popularité des dirigeants occidentaux, de rappeler à chaque fois que cela est nécessaire les éminents principes du discours de La Baule. Et ensuite le froid, par réalisme pour des questions d’intérêt des états, ces intérêts qui ont de tout temps guidé les politiques étrangères dans le monde.
Il faut se ressaisir. Nous devons l’admettre, cette vérité, même si elle est amère pour certains : Sidi n’acceptera plus les généraux et ces derniers ne pourront plus jamais lui remettre le pouvoir. Que les partisans du jusqu’au-boutisme veuillent obliger les occidentaux à accentuer les sanctions, ils n’auront rien d’autre que les résultats obtenus face à Robert Mugabe au Zimbabwe, une inflation de plus de 1000% en un an et un peuple qui vivra dans la misère la plus abjecte. Alors, la réalité est là. Les militaires sont aux commandes. C’est avec eux qu’il faut traiter. Il faudra et leur parler et travailler avec eux. Deux choses doivent nous préoccuper : la sérénité et la réussite de cette énième transition. La sérénité par l’arrêt des confrontations inutiles et la libération des détenus au premier chef desquels le président déchu. Il faudra solder ce conflit en arrêtant les poursuites engagées contre l’ex première dame et sa fondation. La réussite passera forcément par une analyse rigoureuse des injustices et autres problèmes nationaux qui pourraient demain nous conduire à de telles situations. Si aujourd’hui le conflit a opposé les institutions de la république, hier il était seulement personnel entre gradés au pouvoir, et demain ? Demain ce sera peut-être au tour des radicaux négro-africains déçus du peu d’intérêt que suscite leur marginalisation de prendre les armes. Ce sera peut-être le tour des orphelins et des veuves qui en auront marre du refus de fait de solder le passif humanitaire de Taya afin de leur permettre en fin de faire leur deuil. Ce seront peut-être les cellules dormantes des mouvements politiques inspirés d’idéologies totalitaires tels que les baathistes, le nasséristes ou les islamistes radicaux qui mettront le pays à feu et à sang. Mais ce seront peut être aussi ces anciens esclaves, libres sur le papier mais enchaînés par la misère et l’ignorance qui se déchaîneront comme une traînée de foudre contre le système établi.
Il faut se ressaisir, la solution ne passera que par le dialogue. Elle ne passera que par des concessions rassurantes. Le premier ministre vient d’annoncer la convocation des états généraux de la démocratie. Voilà une belle occasion pour remettre le pays à plat. Mais encore faut-il qu’il y ait une participation de toutes et de tous, faut-il qu’il y ait des mesures d’accompagnement et le délai nécessaire, faut-il qu’il y ait une gestion collégiale de ses journées. Ces mesures d’accompagnement devront d’abord permettre de regagner la confiance de la classe politique et de la société civile. En ce sens elles devront obligatoirement passer par les mesures de sérénité citées plus haut : il faut d’abord libérer Sidi et lui donner tous les honneurs et les droits liés à son rang d’ancien chef de l’état. Il faut donner aux partenaires politiques et civils le temps de pouvoir travailler la question. Mais il faut aussi que ces derniers acceptent que dans l’adversité, point de salut sans dialogue. Ce dialogue devra désormais nous permettre de penser notre société et de panser toutes nos plaies. Il est temps de mettre en place une véritable alternative au chaos permanent.
Le 19 janvier 2007, lors de la précédente transition militaire, j’avais attiré l’attention des mauritaniens par un article publié sur Cridem et intitulé « Pourquoi pas dix ans de plus SI… ». Aujourd’hui, quelque soit leur position, les mauritaniens ont désapprouvé dans leur écrasante majorité la prise du pouvoir par la force. Cela veut-il dire qu’il faut revenir au système d’avant 06 août 2008 ? Je ne le pense pas. Quand une douleur apparaît, il ne suffira plus de l’arrêter en donnant au malade de simples calmants, il faut analyser et soigner la maladie à sa racine. Ce qu’on voit aujourd’hui, c’est que des organisations qui jadis mettaient le citoyen au cœur de leur politique en ayant la résolution de la question nationale comme préoccupation fondamentale, sont entrain de tomber dans les travers et les fautes du MND historique. Obnubilés par la vitesse du coup de force des militaires et le discours internationaliste ambiant sur la démocratie, si ce n’est par leurs intérêts personnels, ces organisations risquent d’oublier leur bible, leur livre de chevet. Des organisations historiques comme l’UDM ou le MPAM, en passant par l’ODINAM jusqu’aux FLAM et à l’AJD/MR, tout ce que le jargon politique national a appelé « mouvements nationalistes négro-africains », a toujours privilégié la résolution des questions nationale et sociale sur toute autre programme politique. Gourmo Lô avait raison, le MND n’a jamais nié la question nationale, mais seulement l’a toujours considérée comme secondaire par rapport à d’autres préoccupations de la lutte des classes. Il est vrai que ce que veulent Bush et Sarkozy c’est l’organisation d’élections « libres et transparentes », mais ce qui préoccupe les mauritaniens, c’est avant tout la mise en place d’un état viable dans lequel tout mauritanien se retrouverait, un état dans lequel ne planerait plus le spectre de la violence. Il est vrai que cette dernière résolution du parlement européen du 04 septembre 2008 n’oublie pas certaines souffrances du peuple mauritanien comme la question des déportés et le passif humanitaire, mais entre les actes et la parole, nous n’oublierons non plus que ces questions de déportés et de passif faisaient partie des 24 points de l’Union Européenne lors de la dernière transition de 2005, mais furent renvoyés aux calendes grecques au profit de l’organisation rapide des élections. Nous ne devons non plus oublier les accords de Dakar de 2005 qui n’ont engagé que ceux qui y croyaient. Ce qu’il faut tout d’abord, c’est comme l’aurait dit le Général Ould Abdel Aziz à un leader politique mauritanien, amener les mauritaniens et les mauritaniennes à pouvoir se regarder en face sans haine ni rancune. Pour cela, ce que les mauritaniens doivent privilégier, c’est la réconciliation nationale qui passe forcément par le solde des crimes politiques et racistes commis sous la dictature du sanguinaire Taya et le règlement définitif des contradictions liées à la cohabitation de nos différentes composantes nationales. Aujourd’hui, l’Union africaine, L’Union européenne, la Ligue arabe, et tout l’Occident sont au chevet de notre pays malade. Mais leurs remèdes seront-ils les bons ? Non, pas si sûr que ça. Ils sont tous entrain de chercher un terrain d’entente simpliste et moins coûteux entre le clan Sidioca et celui des militaires. Mais c’est à nous de le leur faire savoir et d’exiger que la maladie soit traitée à partir de ses racines. C’est à nous de leur faire admettre que le retour à un ordre constitutionnel viable ne pourrait passer que par le règlement définitif des questions fondamentales. Si c’est le retour à la légalité constitutionnelle par l’organisation imminente de nouvelles élections qui préoccupe nos partenaires, c’est d’abord l’égalité et l’équité constitutionnelles par la remise à plat du système discriminatoire et le solde des passifs politiques qui doivent constituer notre credo.
Il est vrai que la conjoncture internationale et les principes de démocratie veulent que les coups de force soient bannis. Nous avons entendu ce cri légitime. Nous avons désapprouvé la prise du pouvoir par les militaires. Mais la realpolitik est là. Ce sont les militaires qui sont au pouvoir. C’est donc aux militaires qu’il faut parler. Notre préoccupation, si nous voulons éviter de tomber dans les travers, c’est de défendre notre ligne fondamentale : la lutte contre le système par le règlement préalable du problème fondamental de la cohabitation. Allons voir le général Ould Abdel Aziz. Présentons nos préoccupations. S’il est prêt à trouver un cadre d’entente pour des solutions à nos préoccupations, pourquoi pas, soutenons l’action. S’il le faut, travaillons avec lui. Au cas contraire, combattons, non pour un retour à un ordre constitutionnel qui ne cesse de plus en plus à nous marginaliser, un ordre constitutionnel dans lequel les mauritaniens continuerons à se regarder en chiens de faïence, un ordre constitutionnel dans lequel les riches s’enrichissent et les pauvres s’appauvrissent, mais pour un ordre juste et égalitaire, un ordre de paix et de concorde nationale. C’est le seul gage d’un ordre constitutionnel viable et valable pour tous les mauritaniens sans exclusive ni discrimination. Pour, qu’enfin, il y ait des élections véritablement libres et démocratiques. Pour un retour sans entraves à la légalité constitutionnelle.
Depuis Gretz Armainvilliers
Le 08 septembre 2008
Amadou Alpha BA