
Alassane, le Mauritanien, et Mohamed, le Tunisien, racontent la vie des travailleurs de l'ombre. Avec leurs peurs, leurs galères, leurs espoirs.
Alassane a 30 ans, la peau sombre, le coeur lourd. Mohamed en a 42, le teint mat et le sourire las. En ce soir de fin décembre où la CGT a rassemblé les travailleurs sans papiers (lire ci-contre), les destins du Mauritanien et du Tunisien se croisent place Saint-François. Blancs, beurs et surtout blacks, ils sont près d'une centaine à se presser à la bourse du Travail. En quête d'un avenir meilleur. D'un avenir tout court sur le sol français.
Travailleurs réguliers, Alassane et Mohamed espèrent être régularisés par le travail. « La CGT a réussi pour des camarades. Ça donne un peu d'espoir », sourit Alassane, qui précise aussitôt : « Il ne s'agit pas de créer un appel d'air. Juste de respecter le droit du travail. »
Car pour l'heure, Alassane vit de « petits boulots, dans la restauration ou n'importe quoi d'autre, pour subvenir à [ses] besoins. » Diplômé en électricité industrielle en Mauritanie, il raconte avoir fui à cause de tensions inter-ethniques entre les Arabes et les siens, les Peuls.
Pas égaux en droits
Alors Alassane a débarqué en 2002 à Paris-Roissy, a fait sa demande d'asile politique, puis a rejoint Nice il y a deux ans, où il a travaillé comme agent de sécurité et été accueilli par sa soeur et son beau-frère. « Sans eux, ce serait très difficile... »
Mohamed, lui, ne parlait pas un mot de français quand il est arrivé en France en 1994. Il a travaillé sur des marchés à Calais, Nancy, Epinal ou encore Dijon. Depuis 2002, il a rejoint à Nice son frère, « régularisé, lui ». Depuis, il travaille dans le bâtiment, tournant sur la Côte d'Azur au gré des chantiers.
Imposables, « expulsables »
A Nice, il loge dans un studio pour 500 e par mois. Ce mois-ci, il lui en manque 150. Rien d'étonnant au vu des revenus de Mohamed : « 40, 50 e par jour. On est moins payés que les autres et on a moins de garanties ». « Pas de revenu fixe, pas d'assurance, ni de Sécu, ni de Caf », enchaîne Alassane.
Mais tout sans papiers qu'ils sont, ils disent recevoir fiches de paie et feuilles d'imposition. « J'en ai eu pour 738 e, calcule Alassane. Tu travailles, tu paies, et à côté de ça, on te dit : « Tu n'as pas le droit d'être là ». Le paradoxe c'est que ces mêmes autorités peuvent t'expulser... »
« Une vie infernale »
Leur angoisse ? Une visite inopinée de l'inspection du Travail. Alassane a connu. Il raconte avoir passé 24 heures en garde à vue, « dans une pièce avec plein de m... par terre », puis trois jours en centre de rétention. Mohamed opine du chef, avec un air de déjà-vu. Qui a dit que la misère était plus douce au soleil ? « Où que tu sois, ça fait mal, c'est une vie infernale d'être sans papiers. Il faut s'accrocher, faire beaucoup de sacrifices. »
A commencer par la famille. Mohamed n'a plus revu sa mère depuis quatorze ans. Ni son père, décédé depuis. Alassane, lui, se désespère « de voir nos jeunes frères africains monter dans des radeaux. On aimerait pouvoir leur dire : Non, ne tentez pas cette aventure dangereuse !, leur expliquer que nous non plus, on n'a pas de vie. Mais on ne peut pas... »
Christophe Cirone
Source: nicematin
Alassane a 30 ans, la peau sombre, le coeur lourd. Mohamed en a 42, le teint mat et le sourire las. En ce soir de fin décembre où la CGT a rassemblé les travailleurs sans papiers (lire ci-contre), les destins du Mauritanien et du Tunisien se croisent place Saint-François. Blancs, beurs et surtout blacks, ils sont près d'une centaine à se presser à la bourse du Travail. En quête d'un avenir meilleur. D'un avenir tout court sur le sol français.
Travailleurs réguliers, Alassane et Mohamed espèrent être régularisés par le travail. « La CGT a réussi pour des camarades. Ça donne un peu d'espoir », sourit Alassane, qui précise aussitôt : « Il ne s'agit pas de créer un appel d'air. Juste de respecter le droit du travail. »
Car pour l'heure, Alassane vit de « petits boulots, dans la restauration ou n'importe quoi d'autre, pour subvenir à [ses] besoins. » Diplômé en électricité industrielle en Mauritanie, il raconte avoir fui à cause de tensions inter-ethniques entre les Arabes et les siens, les Peuls.
Pas égaux en droits
Alors Alassane a débarqué en 2002 à Paris-Roissy, a fait sa demande d'asile politique, puis a rejoint Nice il y a deux ans, où il a travaillé comme agent de sécurité et été accueilli par sa soeur et son beau-frère. « Sans eux, ce serait très difficile... »
Mohamed, lui, ne parlait pas un mot de français quand il est arrivé en France en 1994. Il a travaillé sur des marchés à Calais, Nancy, Epinal ou encore Dijon. Depuis 2002, il a rejoint à Nice son frère, « régularisé, lui ». Depuis, il travaille dans le bâtiment, tournant sur la Côte d'Azur au gré des chantiers.
Imposables, « expulsables »
A Nice, il loge dans un studio pour 500 e par mois. Ce mois-ci, il lui en manque 150. Rien d'étonnant au vu des revenus de Mohamed : « 40, 50 e par jour. On est moins payés que les autres et on a moins de garanties ». « Pas de revenu fixe, pas d'assurance, ni de Sécu, ni de Caf », enchaîne Alassane.
Mais tout sans papiers qu'ils sont, ils disent recevoir fiches de paie et feuilles d'imposition. « J'en ai eu pour 738 e, calcule Alassane. Tu travailles, tu paies, et à côté de ça, on te dit : « Tu n'as pas le droit d'être là ». Le paradoxe c'est que ces mêmes autorités peuvent t'expulser... »
« Une vie infernale »
Leur angoisse ? Une visite inopinée de l'inspection du Travail. Alassane a connu. Il raconte avoir passé 24 heures en garde à vue, « dans une pièce avec plein de m... par terre », puis trois jours en centre de rétention. Mohamed opine du chef, avec un air de déjà-vu. Qui a dit que la misère était plus douce au soleil ? « Où que tu sois, ça fait mal, c'est une vie infernale d'être sans papiers. Il faut s'accrocher, faire beaucoup de sacrifices. »
A commencer par la famille. Mohamed n'a plus revu sa mère depuis quatorze ans. Ni son père, décédé depuis. Alassane, lui, se désespère « de voir nos jeunes frères africains monter dans des radeaux. On aimerait pouvoir leur dire : Non, ne tentez pas cette aventure dangereuse !, leur expliquer que nous non plus, on n'a pas de vie. Mais on ne peut pas... »
Christophe Cirone
Source: nicematin