Le 27 novembre 2025, le Colonel Sidi Mohamed ould Vaida a diffusé une vidéo à l’occasion de la commémoration de l’indépendance de la Mauritanie (28 novembre), afin de livrer sa version des faits concernant les allégations de crimes qui lui sont imputées durant la période communément désignée par euphémisme comme le « passif humanitaire ». Cette intervention, qui fait écho à un article publié par le même officier en août 2017, mérite une clarification, des commentaires et une analyse des implications pour la recherche de solutions à ce dossier, ouvert depuis plus de trente-cinq ans.
Clarification
Dans sa vidéo, le Colonel Vaida reprend la trame de son récit de 2017, retraçant ses responsabilités lors des événements majeurs :
- Les arrestations consécutives aux incursions marocaines du 16 mars 1981,
- La tentative de coup d’État de 1987, qu’il attribue exclusivement à des officiers haalpulaaren,
- Les tensions de 1989 entre la Mauritanie et le Sénégal.
Une nouveauté réside dans la révélation d’informations confidentielles concernant le dénonciateur de la tentative de 1987. Cette affirmation soulève des interrogations, notamment au regard de mon expérience personnelle : le 22 octobre 1987, convoqué par le Commandant de la 6ᵉ Région militaire, j’ai été escorté par le Lieutenant Vaida vers l’État-major national, sans qu’aucun indice ne laisse présager une suspicion à mon encontre.
Ces éléments, ainsi que les rumeurs circulant sur les réseaux sociaux, justifient l’ouverture d’un débat transparent pour établir la vérité sur les événements de 1987 et, plus largement, sur la période du « passif humanitaire ».
Analyse critique des déclarations des officiers impliqués dans le « passif humanitaire »
La vidéo publiée par le Colonel à la retraite Sidi Mohamed Ould Vaida a suscité un vif débat national. Dans son intervention, Vaida rejette catégoriquement les accusations de violations graves des droits humains, de tortures et de crimes de sang portées contre lui. Toutefois, il reconnaît avoir dirigé des opérations ayant conduit à des arrestations et interrogatoires, notamment après la fuite d’un contrebandier sénégalais blessé lors d’un affrontement avec les forces de l’ordre. La recherche de ce fugitif aurait entraîné l’arrestation de militaires de la 7ᵉ Région Militaire, stationnés à Azlat. Ces interrogatoires, initialement menés sous son commandement avant d’être transférés à la gendarmerie, auraient abouti à des homicides.
Le Capitaine Mohamed Ould Abdy, ancien commandant d’unité dans la même zone, a publié une vidéo corroborant les affirmations du Colonel Vaida. Les deux officiers s’accordent pour replacer ces événements dans le contexte d’un conflit armé « quasi-conventionnel » entre la Mauritanie et le Sénégal, impliquant les Forces de Libération Africaines de Mauritanie (FLAM) et des déportés.
En revanche, le Commandant Mohamed Lemine Ould War, membre des « cavaliers du changement », a proféré des accusations graves et non étayées. Il affirme qu’un officier, alors affecté au service des marchés de l’intendance, aurait quitté son poste à Néma pour participer à la tentative de coup d’État de 1987. Il va plus loin en imputant l’organisation de ce coup au mouvement FLAM, ce qui constitue une contre-vérité historique. Ces déclarations, qui falsifient des faits dont les acteurs sont encore vivants, semblent viser à légitimer l’intégration des « cavaliers du changement » et des militants ba’athistes dans d’éventuelles réparations financières destinées aux victimes du « passif humanitaire ». Or, ces catégories de victimes sont distinctes et ne doivent pas être amalgamées.
Il est impératif que le Commandant Ould War et ses co-inculpés du procès de Ouad Naga (2004) contribuent au devoir de vérité en publiant leurs auditions, où ils avaient dénoncé les crimes injustes commis contre des soldats négro-mauritaniens, révélant la dérive autoritaire du régime de Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya. Cette exigence de transparence est d’autant plus nécessaire que ces mêmes acteurs ont été impliqués dans le coup d’État avorté du 8 juin 2003, qui a entraîné la mort d’une soixantaine de citoyens mauritaniens et du Chef d’État-major Mohamed Lemine Ould Ndiayane, suite au déploiement du bataillon de cavalerie dans les rues de Nouakchott.
Par ailleurs, l’histoire des arrestations des militants ba’athistes mérite clarification. En juillet 1987, plusieurs cadres civils et militaires affiliés au mouvement Ba’ath irakien ont été arrêtés pour intelligence avec Bagdad, bénéficiant de financements sous forme de salaires. Bien que condamnés, ils ont été libérés avec sursis, après avoir partagé leurs cellules avec des membres des FLAM. En février 1988, ces mêmes activistes ont récidivé dans un complot contre la sûreté de l’État. Malgré des peines allant jusqu’à deux ans, ils ont été libérés le 12 décembre 1989, probablement sous la pression de Saddam Hussein, qui cherchait à soutenir l’armée mauritanienne face aux tensions avec le Sénégal.
Enfin, le Colonel Ghaly Ould Souvi, ancien commandant du fort de Walata (1987-1988), a ravivé le débat via des publications sur Facebook. Il reconnaît avoir torturé des cadres civils dans la prison de Walata, tout en affirmant avoir agi conformément aux textes régissant cet établissement pénitentiaire. Son discours oscille entre justification légale et revendication humanitaire, prétendant avoir protégé certains détenus.
Ces déclarations publiques des présumés tortionnaires exigent une réponse institutionnelle. L’État doit organiser un processus formel et pédagogique pour :
- Établir la vérité historique,
- Identifier les responsabilités individuelles,
- Réhabiliter les innocents injustement incriminés,
- Appliquer la loi avec rigueur ou favoriser la réconciliation par l’indulgence des victimes
Analyse de la situation actuelle
Le 28 novembre demeure une date ambivalente : symbole d’indépendance pour certains, rappel tragique pour d’autres, marqué par la pendaison de vingt-huit soldats noirs en 1990. Cette tragédie illustre l’ampleur des violences ciblées contre une communauté, justifiées par des accusations fallacieuses d’intentions séditieuses.
Les violations documentées incluent :
- Accaparement des terres,
- Privations d’état civil,
- Arrestations arbitraires, tortures, déportations,
- Exécutions sommaires.
Malgré les échanges actuels, les investigations restent fragmentaires. Il est urgent que l’État mette en place une institution crédible, inclusive et consensuelle, chargée du règlement global et définitif de ce dossier.
Cadre conceptuel : Passif humanitaire et justice transitionnelle
Le passif humanitaire désigne l’ensemble des violations des droits humains commises contre les communautés afro-mauritaniennes (Peulhs, Wolofs, Soninkés) entre 1986 et 1992, par les autorités ou des groupes armés encadrés par les forces de sécurité.
La justice transitionnelle, fondée sur les principes de Louis Joinet (1997), repose sur quatre droits fondamentaux :
1. Droit à la vérité,
2. Droit à la justice,
3. Droit à la réparation,
4. Garantie de non-répétition.
Sa mise en œuvre exige :
- Une volonté politique affirmée,
- L’implication des victimes et des auteurs,
- L’implication des facilitateurs indépendants (personnalités,experts)
- Le respect des normes juridiques internationales.
Perspectives
Le Président Mohamed Cheikh ould Ghazouani s’est engagé en 2022 à appliquer une feuille de route proposée par les organisations de victimes. Cependant, les divergences persistantes sur le périmètre des bénéficiaires et la temporalité des réparations nécessitent une approche plus globale.
Pour garantir la cohérence, il est recommandé :
- D’étendre la période d’examen à l’ensemble des conflits entre l’État et ses citoyens depuis l’indépendance,
- D’adopter un mécanisme de justice transitionnelle conforme aux normes, aux instruments internationaux et adapté aux réalités nationales,
- De s’inspirer des travaux du Cadre de Concertation des Rescapés Mauritaniens (2019).
Une solution consensuelle, fondée sur la vérité et la justice, demeure possible si l’État respecte ses engagements du dialogue interactif avec les normes internationales.
Mamadou Kane, Victime 1987 prison walata,
Clarification
Dans sa vidéo, le Colonel Vaida reprend la trame de son récit de 2017, retraçant ses responsabilités lors des événements majeurs :
- Les arrestations consécutives aux incursions marocaines du 16 mars 1981,
- La tentative de coup d’État de 1987, qu’il attribue exclusivement à des officiers haalpulaaren,
- Les tensions de 1989 entre la Mauritanie et le Sénégal.
Une nouveauté réside dans la révélation d’informations confidentielles concernant le dénonciateur de la tentative de 1987. Cette affirmation soulève des interrogations, notamment au regard de mon expérience personnelle : le 22 octobre 1987, convoqué par le Commandant de la 6ᵉ Région militaire, j’ai été escorté par le Lieutenant Vaida vers l’État-major national, sans qu’aucun indice ne laisse présager une suspicion à mon encontre.
Ces éléments, ainsi que les rumeurs circulant sur les réseaux sociaux, justifient l’ouverture d’un débat transparent pour établir la vérité sur les événements de 1987 et, plus largement, sur la période du « passif humanitaire ».
Analyse critique des déclarations des officiers impliqués dans le « passif humanitaire »
La vidéo publiée par le Colonel à la retraite Sidi Mohamed Ould Vaida a suscité un vif débat national. Dans son intervention, Vaida rejette catégoriquement les accusations de violations graves des droits humains, de tortures et de crimes de sang portées contre lui. Toutefois, il reconnaît avoir dirigé des opérations ayant conduit à des arrestations et interrogatoires, notamment après la fuite d’un contrebandier sénégalais blessé lors d’un affrontement avec les forces de l’ordre. La recherche de ce fugitif aurait entraîné l’arrestation de militaires de la 7ᵉ Région Militaire, stationnés à Azlat. Ces interrogatoires, initialement menés sous son commandement avant d’être transférés à la gendarmerie, auraient abouti à des homicides.
Le Capitaine Mohamed Ould Abdy, ancien commandant d’unité dans la même zone, a publié une vidéo corroborant les affirmations du Colonel Vaida. Les deux officiers s’accordent pour replacer ces événements dans le contexte d’un conflit armé « quasi-conventionnel » entre la Mauritanie et le Sénégal, impliquant les Forces de Libération Africaines de Mauritanie (FLAM) et des déportés.
En revanche, le Commandant Mohamed Lemine Ould War, membre des « cavaliers du changement », a proféré des accusations graves et non étayées. Il affirme qu’un officier, alors affecté au service des marchés de l’intendance, aurait quitté son poste à Néma pour participer à la tentative de coup d’État de 1987. Il va plus loin en imputant l’organisation de ce coup au mouvement FLAM, ce qui constitue une contre-vérité historique. Ces déclarations, qui falsifient des faits dont les acteurs sont encore vivants, semblent viser à légitimer l’intégration des « cavaliers du changement » et des militants ba’athistes dans d’éventuelles réparations financières destinées aux victimes du « passif humanitaire ». Or, ces catégories de victimes sont distinctes et ne doivent pas être amalgamées.
Il est impératif que le Commandant Ould War et ses co-inculpés du procès de Ouad Naga (2004) contribuent au devoir de vérité en publiant leurs auditions, où ils avaient dénoncé les crimes injustes commis contre des soldats négro-mauritaniens, révélant la dérive autoritaire du régime de Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya. Cette exigence de transparence est d’autant plus nécessaire que ces mêmes acteurs ont été impliqués dans le coup d’État avorté du 8 juin 2003, qui a entraîné la mort d’une soixantaine de citoyens mauritaniens et du Chef d’État-major Mohamed Lemine Ould Ndiayane, suite au déploiement du bataillon de cavalerie dans les rues de Nouakchott.
Par ailleurs, l’histoire des arrestations des militants ba’athistes mérite clarification. En juillet 1987, plusieurs cadres civils et militaires affiliés au mouvement Ba’ath irakien ont été arrêtés pour intelligence avec Bagdad, bénéficiant de financements sous forme de salaires. Bien que condamnés, ils ont été libérés avec sursis, après avoir partagé leurs cellules avec des membres des FLAM. En février 1988, ces mêmes activistes ont récidivé dans un complot contre la sûreté de l’État. Malgré des peines allant jusqu’à deux ans, ils ont été libérés le 12 décembre 1989, probablement sous la pression de Saddam Hussein, qui cherchait à soutenir l’armée mauritanienne face aux tensions avec le Sénégal.
Enfin, le Colonel Ghaly Ould Souvi, ancien commandant du fort de Walata (1987-1988), a ravivé le débat via des publications sur Facebook. Il reconnaît avoir torturé des cadres civils dans la prison de Walata, tout en affirmant avoir agi conformément aux textes régissant cet établissement pénitentiaire. Son discours oscille entre justification légale et revendication humanitaire, prétendant avoir protégé certains détenus.
Ces déclarations publiques des présumés tortionnaires exigent une réponse institutionnelle. L’État doit organiser un processus formel et pédagogique pour :
- Établir la vérité historique,
- Identifier les responsabilités individuelles,
- Réhabiliter les innocents injustement incriminés,
- Appliquer la loi avec rigueur ou favoriser la réconciliation par l’indulgence des victimes
Analyse de la situation actuelle
Le 28 novembre demeure une date ambivalente : symbole d’indépendance pour certains, rappel tragique pour d’autres, marqué par la pendaison de vingt-huit soldats noirs en 1990. Cette tragédie illustre l’ampleur des violences ciblées contre une communauté, justifiées par des accusations fallacieuses d’intentions séditieuses.
Les violations documentées incluent :
- Accaparement des terres,
- Privations d’état civil,
- Arrestations arbitraires, tortures, déportations,
- Exécutions sommaires.
Malgré les échanges actuels, les investigations restent fragmentaires. Il est urgent que l’État mette en place une institution crédible, inclusive et consensuelle, chargée du règlement global et définitif de ce dossier.
Cadre conceptuel : Passif humanitaire et justice transitionnelle
Le passif humanitaire désigne l’ensemble des violations des droits humains commises contre les communautés afro-mauritaniennes (Peulhs, Wolofs, Soninkés) entre 1986 et 1992, par les autorités ou des groupes armés encadrés par les forces de sécurité.
La justice transitionnelle, fondée sur les principes de Louis Joinet (1997), repose sur quatre droits fondamentaux :
1. Droit à la vérité,
2. Droit à la justice,
3. Droit à la réparation,
4. Garantie de non-répétition.
Sa mise en œuvre exige :
- Une volonté politique affirmée,
- L’implication des victimes et des auteurs,
- L’implication des facilitateurs indépendants (personnalités,experts)
- Le respect des normes juridiques internationales.
Perspectives
Le Président Mohamed Cheikh ould Ghazouani s’est engagé en 2022 à appliquer une feuille de route proposée par les organisations de victimes. Cependant, les divergences persistantes sur le périmètre des bénéficiaires et la temporalité des réparations nécessitent une approche plus globale.
Pour garantir la cohérence, il est recommandé :
- D’étendre la période d’examen à l’ensemble des conflits entre l’État et ses citoyens depuis l’indépendance,
- D’adopter un mécanisme de justice transitionnelle conforme aux normes, aux instruments internationaux et adapté aux réalités nationales,
- De s’inspirer des travaux du Cadre de Concertation des Rescapés Mauritaniens (2019).
Une solution consensuelle, fondée sur la vérité et la justice, demeure possible si l’État respecte ses engagements du dialogue interactif avec les normes internationales.
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