L’ancien président du gouvernement du Sénégal (équivalent d’un Premier ministre), Mamadou Dia, est décédé le 25 janvier dernier presque centenaire, à 99 ans(1). Ainsi prend fin définitivement l’histoire entre deux hommes (Senghor et Dia) aux égos semblables qui étaient au sommet de l’Etat sénégalais et dont les conflits ont secoué la République.
Le 25 août 1960, Lamine Gaye, avocat ainsi que président de l’Assemblée nationale et par ailleurs secrétaire du Parti sénégalais d’action socialiste (PSAS), passe l’article 70 aux voix, qui est adopté à l’unanimité en plénière : la Constitution du Sénégal venait d’être adoptée. Un collège électoral spécial élit Léopold Sédar Senghor comme président de la République, lequel prend fonction le 7 septembre 1960.
Mamadou Dia est aussi confirmé dans son poste de président du Conseil de gouvernement. C’est le début d’un long compagnonnage qui a commencé des années auparavant et s’est achevé par 12 ans de prison pour Dia pour tentative de coup d’Etat ( ?).
Avec le recul, on savait déjà que Dia serait l’éternel contestataire de Senghor. Dia avouait ne pas aimer la politique, car il la détestait, et c’est pourquoi il interpellera à Fathick, où il servait comme instituteur, le jeune Senghor en 1943 lorsque celui-ci était venu présenter sa candidature à la députation en ces termes :
« Je ne comprends pas que vous, jeune agrégé, au lieu de vous soucier de prendre la direction de l’enseignement en Afrique, vous vous préoccupiez d’avoir un mandat électif ». Il y entrera lui-même par l’intermédiaire de la SFIO et sera élu à l’assemblée du conseil général. Et c’est à partir de là qu’apparaîtront leurs dissemblances humaines et surtout politiques.
Les deux hommes sont, en 1948, les cofondateurs du Bloc démocratique sénégalais (BSD), l’aïeul de l’Union progressiste sénégalaise (UPS). Pendant des années, Senghor, pour Sérère, est le président chrétien et précautionneux qui exerce le pouvoir d’Etat, avec quelques facteurs limitants, notamment le fait d’avoir vécu plus de 20 ans en France ; d’ailleurs, son épouse, Colette Hubert, est française, et il a cette manie de s’adresser aux populations dans la langue de Molière bien qu’il manie à merveille le wolof.
A l’opposé, Mamadou Dia est issu d’un métissage condensé du wolof et du toucouleur doublé d’un homme du peuple genre populiste sur les bords, qui n’a d’yeux que pour la paysannerie.
Il semble qu’il ait, à l’époque, voulu fabriquer des ustensiles afin de distribuer la soupe populaire aux indigents. Bref, pour paraphraser un collègue du pays de la Terranga, Dia était un « Sénégalais problématique », comme a dit Eboussi Boulanga à propos du Bantou.
Le premier véritable couac entre les deux hommes est apparu en 1958 au sujet du référendum du général De Gaulle sur la communauté française : alors que Senghor était partisan du « oui », Dia voulait la rupture.
Le second accès de fièvre, qui emporta Dia et la 1re République, date de décembre 1962 : c’est un député du nom de Théophile James qui en est l’instigateur. Cet élu proche des milieux d’affaires voulait présenter à l’Assemblée une motion de censure contre le nouveau gouvernement Dia, qui avait décrété l’état d’urgence après la dissolution de la Fédération du Mali.
En fait, certains députés soupçonnaient Dia de prolonger abusivement cet état d’urgence pour pouvoir prendre certaines décisions importantes par décret.
Toujours est-il que sur les 61 députés, 41 se retrouveront le 17 décembre 1962 dans l’après-midi autour du chef du Parlement, Lamine Gaye, à son domicile pour voter la motion de censure à l’encontre du gouvernement Dia.
Ce dernier dans la matinée, dans un baroud d’honneur, essayera de boucler l’hémicycle pour en chasser les occupants : c’est ce qu’on a appelé la tentative de coup d’Etat. Mamadou Dia sera arrêté le lendemain, jugé en mai 1963 et condamné à 12 ans de prison. Il sera libéré en 1974 par Senghor puis gracié, par ce dernier, en 1976.
Retiré des affaires depuis plusieurs années, le terrible enfant de Khombole, à quelques kilomètres de Thiès, s’illustrait de temps en temps par des diatribes dans la presse contre la politique du président Abdoulaye Wade.Il restera dans la mémoire des Sénégalais comme un homme proche des petites gens et surtout le poil à gratter de Senghor.
Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana
L’Observateur Paalga
Source: lefaso
Le 25 août 1960, Lamine Gaye, avocat ainsi que président de l’Assemblée nationale et par ailleurs secrétaire du Parti sénégalais d’action socialiste (PSAS), passe l’article 70 aux voix, qui est adopté à l’unanimité en plénière : la Constitution du Sénégal venait d’être adoptée. Un collège électoral spécial élit Léopold Sédar Senghor comme président de la République, lequel prend fonction le 7 septembre 1960.
Mamadou Dia est aussi confirmé dans son poste de président du Conseil de gouvernement. C’est le début d’un long compagnonnage qui a commencé des années auparavant et s’est achevé par 12 ans de prison pour Dia pour tentative de coup d’Etat ( ?).
Avec le recul, on savait déjà que Dia serait l’éternel contestataire de Senghor. Dia avouait ne pas aimer la politique, car il la détestait, et c’est pourquoi il interpellera à Fathick, où il servait comme instituteur, le jeune Senghor en 1943 lorsque celui-ci était venu présenter sa candidature à la députation en ces termes :
« Je ne comprends pas que vous, jeune agrégé, au lieu de vous soucier de prendre la direction de l’enseignement en Afrique, vous vous préoccupiez d’avoir un mandat électif ». Il y entrera lui-même par l’intermédiaire de la SFIO et sera élu à l’assemblée du conseil général. Et c’est à partir de là qu’apparaîtront leurs dissemblances humaines et surtout politiques.
Les deux hommes sont, en 1948, les cofondateurs du Bloc démocratique sénégalais (BSD), l’aïeul de l’Union progressiste sénégalaise (UPS). Pendant des années, Senghor, pour Sérère, est le président chrétien et précautionneux qui exerce le pouvoir d’Etat, avec quelques facteurs limitants, notamment le fait d’avoir vécu plus de 20 ans en France ; d’ailleurs, son épouse, Colette Hubert, est française, et il a cette manie de s’adresser aux populations dans la langue de Molière bien qu’il manie à merveille le wolof.
A l’opposé, Mamadou Dia est issu d’un métissage condensé du wolof et du toucouleur doublé d’un homme du peuple genre populiste sur les bords, qui n’a d’yeux que pour la paysannerie.
Il semble qu’il ait, à l’époque, voulu fabriquer des ustensiles afin de distribuer la soupe populaire aux indigents. Bref, pour paraphraser un collègue du pays de la Terranga, Dia était un « Sénégalais problématique », comme a dit Eboussi Boulanga à propos du Bantou.
Le premier véritable couac entre les deux hommes est apparu en 1958 au sujet du référendum du général De Gaulle sur la communauté française : alors que Senghor était partisan du « oui », Dia voulait la rupture.
Le second accès de fièvre, qui emporta Dia et la 1re République, date de décembre 1962 : c’est un député du nom de Théophile James qui en est l’instigateur. Cet élu proche des milieux d’affaires voulait présenter à l’Assemblée une motion de censure contre le nouveau gouvernement Dia, qui avait décrété l’état d’urgence après la dissolution de la Fédération du Mali.
En fait, certains députés soupçonnaient Dia de prolonger abusivement cet état d’urgence pour pouvoir prendre certaines décisions importantes par décret.
Toujours est-il que sur les 61 députés, 41 se retrouveront le 17 décembre 1962 dans l’après-midi autour du chef du Parlement, Lamine Gaye, à son domicile pour voter la motion de censure à l’encontre du gouvernement Dia.
Ce dernier dans la matinée, dans un baroud d’honneur, essayera de boucler l’hémicycle pour en chasser les occupants : c’est ce qu’on a appelé la tentative de coup d’Etat. Mamadou Dia sera arrêté le lendemain, jugé en mai 1963 et condamné à 12 ans de prison. Il sera libéré en 1974 par Senghor puis gracié, par ce dernier, en 1976.
Retiré des affaires depuis plusieurs années, le terrible enfant de Khombole, à quelques kilomètres de Thiès, s’illustrait de temps en temps par des diatribes dans la presse contre la politique du président Abdoulaye Wade.Il restera dans la mémoire des Sénégalais comme un homme proche des petites gens et surtout le poil à gratter de Senghor.
Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana
L’Observateur Paalga
Source: lefaso