L’Eveil Hebdo : Depuis le coup d’état du 06 août, la Mauritanie est fracturée entre partisans de l’ancien chef d’état, regroupés derrière le FNDD, dont le vôtre, et des partis et parlementaires pro putschistes. Peut-on aujourd’hui encore croire à un retour dans les meilleurs délais de Sidioca au pouvoir et de l’ordre constitutionnel et civil qu’il incarnait ?
Mohamed Ould Maouloud : Il faut dire qu’il y a d’un côté la junte militaire, avec les parlementaires putschistes, appuyée par quelques partis, et de l’autre côté l’écrasante majorité du peuple mauritanien à travers des partis représentés au parlement, des partis non représentés au parlement, les principales centrales syndicales, les principales organisations des droits de l’homme. Je ne vois pas de commune mesure entre les deux camps. Certes le camp de la junte dispose de la force militaire, de l’administration d’état mais aussi malheureusement d’un grand nombre de parlementaires bénéficiant de la position acquise à la faveur d’un verdict des urnes qu’ils ne respectent que de façon sélective : pour eux oui, pour le président de la République non ! Le choix actuel oppose le verdict des urnes au verdict des généraux.
Nous sommes pour la dignité du peuple mauritanien, nous sommes pour le respect de sa volonté et cela commande le respect du verdict des urnes. Il y a ceux qui malheureusement choisissent de sacraliser la volonté des généraux et d’entériner leur coup de force. Mais le rapport de force politique est incontestablement en faveur du retour à la légalité constitutionnelle. Comme en témoignent les grandes manifestations populaires (marches, meetings) contre le coup d’état.
Depuis le 06 août, il ne se passe pas un jour sans que le FNDD n’en organise une à Nouakchott ou à l’intérieur du pays. Il y a aussi la communauté internationale qui a adopté une position claire, ferme et unanime et je ne vois pas comment les généraux pourront-ils tenir longtemps contre la volonté du peuple mauritanien et de la communauté internationale. Leur détermination à s’imposer manquera de ressources politiques. Même s’ils disposent des moyens militaires pour menacer le peuple mauritanien et le défier, ces moyens militaires, on le sait, dans le passé, n’ont jamais été suffisants pour maintenir une dictature.
Il faut avoir confiance, la Mauritanie restaurera la légalité constitutionnelle. D’autant plus qu’il y va de son intérêt vital de stabilité et de préservation de l’acquis démocratique. Un acquis démocratique qui a redonné espoir à notre peuple au cours des deux dernières années. Il ne peut tolérer que les généraux le replongent de nouveau dans la dictature en reniant dans les faits tous leurs engagements antérieurs.
L’Eveil Hebdo : 55 députés pro putschistes sur les 95 que compte l’Assemblée nationale ont approuvé un plan prévoyant la tenue d’une élection présidentielle dans un délai de douze à quatorze mois. Quelle part de légitimité accordez-vous à cette proposition ?
MOM : Aucune. Les parlementaires putschistes ont malheureusement accepté de devenir une annexe du conseil militaire Ce qu’ils viennent de faire, c’est de servir de lanceurs de ballon d’essai pour le compte du conseil militaire qui veut tester ainsi la réaction nationale et internationale et qui, au lieu de s’exprimer lui-même, fait parler les députés putschistes. De ce point de vue, le contenu de leurs propositions est sans intérêt, car il est en porte à faux et avec la légalité (la session est illégale) et avec la légitimité (rupture totale avec l’opinion publique nationale). Lisez leurs recommandations : les voilà qui demandent gentiment au Conseil militaire de leur laisser le pouvoir de légiférer, et ce n’est qu’une recommandation ! Quel est ce parlement qui s’égosillait contre les prétendus blocages du président de la République et acceptent maintenant que ses pouvoirs soient délimités non par les textes de la Constitution mais par le seul bon vouloir des généraux. Ce faisant, ils se sont placés eux-mêmes en dehors de la légalité, et si nous rejetons la junte et ses décisions, il va sans dire qu’il en est de même pour ses officines et leurs suggestions. Mais le jour où ces députés prendront leur autonomie et accepteront de faire de la Constitution la seule référence pour le règlement de notre différend, nous serons alors disposés à en discuter avec eux avec tout l’esprit d’ouverture et de compromis nécessaires.
Je crois qu’il est très clair que toute solution qui consiste à entériner le coup d’état, qui consiste à proposer une nouvelle transition et de nouvelles élections sous l’autorité militaire est un mépris pour la communauté nationale et internationale, parce que ces mêmes militaires, ces mêmes généraux, ces mêmes membres du conseil militaire ont déjà joué cette partition en 2005 en promettant de respecter les résultats des urnes ; et voilà qu’après tant d’énergie et tant de moyens dépensés par tout le peuple mauritanien et la communauté internationale, après deux ans d’une mise au ralenti pour cause électorale de la vie économique et sociale de tout un pays, le tout en raison du crédit accordé aux engagements, les voilà qui manquent à leurs paroles et récidivent par un coup d’état. Ils nous demandent à nouveau de leur faire confiance sur la base de nouvelles promesses de transition et d’élections. Ces promesses ne peuvent guère être meilleures que les précédentes. Pour accorder crédit il faut avoir confiance. Le peuple mauritanien n’a plus confiance en la parole de ces généraux. C’est pourquoi en aucun cas entériner le coup d’état, s’engager dans une nouvelle transition et de nouvelles élections ne peut plus constituer une option crédible et viable pour une sortie de crise
Le seul cadre réellement valable pour une solution politique est le cadre constitutionnel. Effectivement, toutes les forces politiques peuvent se retrouver, discuter et envisager une solution où toutes les options seront ouvertes, mais sur la base de l’ordre constitutionnel, c’est-à-dire avec le retour et la restauration du Président de la République et de son gouvernement et l’éloignement de la junte du champ politique. Cela est capital, parce que si la force militaire participe au débat politique, celui-ci est faussé, il n’est plus crédible, on ne peut pas discuter avec un revolver sur la tempe, on ne peut pas s’entendre politiquement sous la pression des armes. Donc la première chose pour régler la crise, c’est d’abord que les militaires se retirent, qu’ils rejoignent les casernes et qu’il s’occupent de leur mission noble qui est de défendre le pays.
L’Eveil Hebdo : Le gouvernement de la junte a annoncé la tenue fin septembre des « Etats Généraux de la Démocratie ». L’ UFP, voire le FNDD y prendra- t’il part ?
MOM : Entériner le coup d’état est dangereux pour la Mauritanie. Il ne s’agit pas d’une simple question politicienne, c’est-à-dire en rapport avec les rivalités partisanes. Nous ne pouvons donner une quelconque légitimité ou crédibilité à une telle concertation, car certaines forces politiques sont sous la contrainte des généraux et ne peuvent discuter librement. Ce dont le pays a besoin, c’est d’une véritable concertation entre toutes les forces vives du pays pour parvenir à une sortie de crise consensuelle ; et cette concertation ne peut être libre et crédible que dans un cadre constitutionnel en dehors de toute pression militaire. La condition nécessaire pour une telle solution passe par le règlement du problème du coup d’état. C’est-à-dire que le président de la République reprenne ses fonctions. Quant à la fameuse concertation prévue par la junte pour fin septembre , elle n’est rien d’autre en réalité qu’un artifice médiatique destiné à tromper l’opinion publique internationale dans le processus de concertation en cours avec l’Union africaine et l’Union européenne. Nous ne le répéterons jamais assez, entériner le coup d’état en acceptant un processus fallacieux de transition, c’est légitimer la logique de la force et de la violence, ce qui peut conduire le pays à une succession de coups d’état et à d’autres formes de dérapages et de déstabilisation. Tout compte fait, l’option la moins coûteuse pour le pays est sans conteste le retour à la légalité constitutionnelle, et dans la rivalité actuelle entre le verdict des généraux et celui des urnes faire en sorte que le dernier mot revienne à la volonté populaire.
L’Eveil Hebdo : On dit que vous avez rencontré le Président du RFD, Ahmed Ould Daddah, avant Messaoud Ould Belkheir ? Peut on connaître l’objet de ces conversations ?
MOM : Oui, effectivement Ahmed Ould Daddah a inauguré ainsi des contacts sur sa demande avec quelques personnalités du FNDD. Nous étions dans les meilleures dispositions d’esprit mais je crois que les choses n’étaient pas encore mures, parce qu’il est venu avec les mêmes positions de soutien au coup d’état et il n’envisageait des solutions que sur cette base alors que pour moi le cadre constitutionnel est le seul requis pour envisager les suggestions qu’il propose. Il n’était donc pas possible de s’entendre pour le moment. Comme il a été dit plus haut, c’est le seul cadre qui donne des garanties réelles. Imaginez un processus sous autorité de la junte, mais ce qui va nous arriver est là sous nos yeux : l’implication, la manipulation, et finalement, si élections il y a, le non respect des résultats. Je suis très étonné que des partis politiques cherchent des élections sous l’autorité militaire, après ce qui leur est déjà arrivé.
L’Eveil Hebdo : Votre opinion sur les perspectives de sortie de crise ?
MOM : Notre problème est double. Il y a le problème de l’ingérence de l’armée à travers la junte et il y a le problème des différends politiques, ou de la crise politique. Les deux problèmes ne peuvent pas avoir la même solution. Pour ce qui est de la crise militaire, il est évident que notre pays ne peut plus tolérer que l’on détourne l’attention et les moyens de notre armée vers la compétition politique, la compétition économique avec des hommes politiques et des hommes d’affaire alors que notre pays est menacé d’insécurité nationale. L’armée nationale doit être réhabilitée, rééquipée, réorganisée pour pouvoir mener à bien sa mission actuelle. Elle doit être totalement concentrée sur sa mission.
D’autre part, cette junte est la même qui a déjà fait le serment de respecter le verdict des urnes des élections qu’elle a organisées. On ne peut pas lui reprocher de manquer à ses paroles aussi ostentatoirement et en même temps lui accorder un nouveau crédit. Ce qui fait que la crise militaire actuelle passe par une démarcation claire entre le champ militaire et le champ politique. Il faut que la junte renonce aux pouvoirs politiques et à ses ambitions politiques et que le président Sidi Ould Cheikh Abdallahi et son gouvernement soient restaurés, ce qui marquera l’échec du putschisme. Par contre nous devons chercher pour le règlement de cette crise militaire, toutes les voies qui s’appliquent sur cette solution entre les partis en cause.
Maintenant il y a la crise politique qui oppose les acteurs politiques, ça c’est le jeu normal de l’institution ; on était dans ce jeu en apparence jusqu’à la fin de la session parlementaire passée. Ceux qui s’opposent au Président de la république avaient tous les moyens constitutionnels de continuer à le combattre ; c’est l’ingérence de l’armée qui a faussé le débat politique et le jeu politique. Si l’armée se retire, en ce moment la controverse politique peut trouver une solution entre les différents protagonistes politiques qui vont se rendre compte qu’il y a eu un tremblement de terre, qu’il y a eu beaucoup de dégâts, qu’il faut restaurer le système démocratique. Dans cette perspective et dans un esprit de responsabilité et de compromis, il serait envisageable d’évaluer toutes les options et de choisir celle qui est la plus avantageuse pour l’union nationale, pour la stabilité du pays et pour le renforcement de la démocratie.
L’Eveil Hebdo : Actualité oblige, votre point de vue sur l’attaque de soldats mauritaniens dans le nord du Pays, précisément à Zouerate
MOM : Cette attaque est la troisième du genre avec un résultat malheureusement similaire. Notre armée est toujours mise dans des conditions frustrantes, et du fait que le nord du pays est le terrain de prédilection des bandes armées, il y a là un risque majeur pour la sécurité nationale et cela demande une mobilisation de notre armée et de toutes nos ressources, mais aussi de notre unité nationale pour faire face aux dangers. Malheureusement, avec le coup d’état, on voit que l’armée est détournée de cet objectif, détourné au niveau des moyens, détourné au niveau de la pension et l’union nationale est compromise parce qu’il viole les règles qui régissent nos rapports politiques. Donc véritablement, il y a urgence, il faut qu’on en finisse avec cette crise, pour pouvoir restaurer la légalité constitutionnelle, qui est la seule solution qui permettra à l’armée de s’éloigner des méandres de la politique et de pouvoir faire face à cette menace majeure qui pèse dans notre pays. Je vois que l’armée est déstructurée totalement depuis plusieurs années, parce qu’il faut les organiser essentiellement pour la prise du pouvoir. Pour sauvegarder le pouvoir, elles ne sont pas organisées actuellement à défendre la sécurité nationale et les frontières du pays. Ce qu’il faut, c’est de les réorganiser sur la base d’un nouvel objectif sacré qui est celui d’assurer la sécurité nationale, d’assurer la défense de nos frontières, ce qui passera par l’unification du commandement et d’autres mesures de réhabilitation de l’armée et le renforcement de ses équipements et d’un fonctionnement selon les règles du métier.
Interview réalisée par l’Eveil-Hebdo
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Source: ufp web
(M) avomm
Mohamed Ould Maouloud : Il faut dire qu’il y a d’un côté la junte militaire, avec les parlementaires putschistes, appuyée par quelques partis, et de l’autre côté l’écrasante majorité du peuple mauritanien à travers des partis représentés au parlement, des partis non représentés au parlement, les principales centrales syndicales, les principales organisations des droits de l’homme. Je ne vois pas de commune mesure entre les deux camps. Certes le camp de la junte dispose de la force militaire, de l’administration d’état mais aussi malheureusement d’un grand nombre de parlementaires bénéficiant de la position acquise à la faveur d’un verdict des urnes qu’ils ne respectent que de façon sélective : pour eux oui, pour le président de la République non ! Le choix actuel oppose le verdict des urnes au verdict des généraux.
Nous sommes pour la dignité du peuple mauritanien, nous sommes pour le respect de sa volonté et cela commande le respect du verdict des urnes. Il y a ceux qui malheureusement choisissent de sacraliser la volonté des généraux et d’entériner leur coup de force. Mais le rapport de force politique est incontestablement en faveur du retour à la légalité constitutionnelle. Comme en témoignent les grandes manifestations populaires (marches, meetings) contre le coup d’état.
Depuis le 06 août, il ne se passe pas un jour sans que le FNDD n’en organise une à Nouakchott ou à l’intérieur du pays. Il y a aussi la communauté internationale qui a adopté une position claire, ferme et unanime et je ne vois pas comment les généraux pourront-ils tenir longtemps contre la volonté du peuple mauritanien et de la communauté internationale. Leur détermination à s’imposer manquera de ressources politiques. Même s’ils disposent des moyens militaires pour menacer le peuple mauritanien et le défier, ces moyens militaires, on le sait, dans le passé, n’ont jamais été suffisants pour maintenir une dictature.
Il faut avoir confiance, la Mauritanie restaurera la légalité constitutionnelle. D’autant plus qu’il y va de son intérêt vital de stabilité et de préservation de l’acquis démocratique. Un acquis démocratique qui a redonné espoir à notre peuple au cours des deux dernières années. Il ne peut tolérer que les généraux le replongent de nouveau dans la dictature en reniant dans les faits tous leurs engagements antérieurs.
L’Eveil Hebdo : 55 députés pro putschistes sur les 95 que compte l’Assemblée nationale ont approuvé un plan prévoyant la tenue d’une élection présidentielle dans un délai de douze à quatorze mois. Quelle part de légitimité accordez-vous à cette proposition ?
MOM : Aucune. Les parlementaires putschistes ont malheureusement accepté de devenir une annexe du conseil militaire Ce qu’ils viennent de faire, c’est de servir de lanceurs de ballon d’essai pour le compte du conseil militaire qui veut tester ainsi la réaction nationale et internationale et qui, au lieu de s’exprimer lui-même, fait parler les députés putschistes. De ce point de vue, le contenu de leurs propositions est sans intérêt, car il est en porte à faux et avec la légalité (la session est illégale) et avec la légitimité (rupture totale avec l’opinion publique nationale). Lisez leurs recommandations : les voilà qui demandent gentiment au Conseil militaire de leur laisser le pouvoir de légiférer, et ce n’est qu’une recommandation ! Quel est ce parlement qui s’égosillait contre les prétendus blocages du président de la République et acceptent maintenant que ses pouvoirs soient délimités non par les textes de la Constitution mais par le seul bon vouloir des généraux. Ce faisant, ils se sont placés eux-mêmes en dehors de la légalité, et si nous rejetons la junte et ses décisions, il va sans dire qu’il en est de même pour ses officines et leurs suggestions. Mais le jour où ces députés prendront leur autonomie et accepteront de faire de la Constitution la seule référence pour le règlement de notre différend, nous serons alors disposés à en discuter avec eux avec tout l’esprit d’ouverture et de compromis nécessaires.
Je crois qu’il est très clair que toute solution qui consiste à entériner le coup d’état, qui consiste à proposer une nouvelle transition et de nouvelles élections sous l’autorité militaire est un mépris pour la communauté nationale et internationale, parce que ces mêmes militaires, ces mêmes généraux, ces mêmes membres du conseil militaire ont déjà joué cette partition en 2005 en promettant de respecter les résultats des urnes ; et voilà qu’après tant d’énergie et tant de moyens dépensés par tout le peuple mauritanien et la communauté internationale, après deux ans d’une mise au ralenti pour cause électorale de la vie économique et sociale de tout un pays, le tout en raison du crédit accordé aux engagements, les voilà qui manquent à leurs paroles et récidivent par un coup d’état. Ils nous demandent à nouveau de leur faire confiance sur la base de nouvelles promesses de transition et d’élections. Ces promesses ne peuvent guère être meilleures que les précédentes. Pour accorder crédit il faut avoir confiance. Le peuple mauritanien n’a plus confiance en la parole de ces généraux. C’est pourquoi en aucun cas entériner le coup d’état, s’engager dans une nouvelle transition et de nouvelles élections ne peut plus constituer une option crédible et viable pour une sortie de crise
Le seul cadre réellement valable pour une solution politique est le cadre constitutionnel. Effectivement, toutes les forces politiques peuvent se retrouver, discuter et envisager une solution où toutes les options seront ouvertes, mais sur la base de l’ordre constitutionnel, c’est-à-dire avec le retour et la restauration du Président de la République et de son gouvernement et l’éloignement de la junte du champ politique. Cela est capital, parce que si la force militaire participe au débat politique, celui-ci est faussé, il n’est plus crédible, on ne peut pas discuter avec un revolver sur la tempe, on ne peut pas s’entendre politiquement sous la pression des armes. Donc la première chose pour régler la crise, c’est d’abord que les militaires se retirent, qu’ils rejoignent les casernes et qu’il s’occupent de leur mission noble qui est de défendre le pays.
L’Eveil Hebdo : Le gouvernement de la junte a annoncé la tenue fin septembre des « Etats Généraux de la Démocratie ». L’ UFP, voire le FNDD y prendra- t’il part ?
MOM : Entériner le coup d’état est dangereux pour la Mauritanie. Il ne s’agit pas d’une simple question politicienne, c’est-à-dire en rapport avec les rivalités partisanes. Nous ne pouvons donner une quelconque légitimité ou crédibilité à une telle concertation, car certaines forces politiques sont sous la contrainte des généraux et ne peuvent discuter librement. Ce dont le pays a besoin, c’est d’une véritable concertation entre toutes les forces vives du pays pour parvenir à une sortie de crise consensuelle ; et cette concertation ne peut être libre et crédible que dans un cadre constitutionnel en dehors de toute pression militaire. La condition nécessaire pour une telle solution passe par le règlement du problème du coup d’état. C’est-à-dire que le président de la République reprenne ses fonctions. Quant à la fameuse concertation prévue par la junte pour fin septembre , elle n’est rien d’autre en réalité qu’un artifice médiatique destiné à tromper l’opinion publique internationale dans le processus de concertation en cours avec l’Union africaine et l’Union européenne. Nous ne le répéterons jamais assez, entériner le coup d’état en acceptant un processus fallacieux de transition, c’est légitimer la logique de la force et de la violence, ce qui peut conduire le pays à une succession de coups d’état et à d’autres formes de dérapages et de déstabilisation. Tout compte fait, l’option la moins coûteuse pour le pays est sans conteste le retour à la légalité constitutionnelle, et dans la rivalité actuelle entre le verdict des généraux et celui des urnes faire en sorte que le dernier mot revienne à la volonté populaire.
L’Eveil Hebdo : On dit que vous avez rencontré le Président du RFD, Ahmed Ould Daddah, avant Messaoud Ould Belkheir ? Peut on connaître l’objet de ces conversations ?
MOM : Oui, effectivement Ahmed Ould Daddah a inauguré ainsi des contacts sur sa demande avec quelques personnalités du FNDD. Nous étions dans les meilleures dispositions d’esprit mais je crois que les choses n’étaient pas encore mures, parce qu’il est venu avec les mêmes positions de soutien au coup d’état et il n’envisageait des solutions que sur cette base alors que pour moi le cadre constitutionnel est le seul requis pour envisager les suggestions qu’il propose. Il n’était donc pas possible de s’entendre pour le moment. Comme il a été dit plus haut, c’est le seul cadre qui donne des garanties réelles. Imaginez un processus sous autorité de la junte, mais ce qui va nous arriver est là sous nos yeux : l’implication, la manipulation, et finalement, si élections il y a, le non respect des résultats. Je suis très étonné que des partis politiques cherchent des élections sous l’autorité militaire, après ce qui leur est déjà arrivé.
L’Eveil Hebdo : Votre opinion sur les perspectives de sortie de crise ?
MOM : Notre problème est double. Il y a le problème de l’ingérence de l’armée à travers la junte et il y a le problème des différends politiques, ou de la crise politique. Les deux problèmes ne peuvent pas avoir la même solution. Pour ce qui est de la crise militaire, il est évident que notre pays ne peut plus tolérer que l’on détourne l’attention et les moyens de notre armée vers la compétition politique, la compétition économique avec des hommes politiques et des hommes d’affaire alors que notre pays est menacé d’insécurité nationale. L’armée nationale doit être réhabilitée, rééquipée, réorganisée pour pouvoir mener à bien sa mission actuelle. Elle doit être totalement concentrée sur sa mission.
D’autre part, cette junte est la même qui a déjà fait le serment de respecter le verdict des urnes des élections qu’elle a organisées. On ne peut pas lui reprocher de manquer à ses paroles aussi ostentatoirement et en même temps lui accorder un nouveau crédit. Ce qui fait que la crise militaire actuelle passe par une démarcation claire entre le champ militaire et le champ politique. Il faut que la junte renonce aux pouvoirs politiques et à ses ambitions politiques et que le président Sidi Ould Cheikh Abdallahi et son gouvernement soient restaurés, ce qui marquera l’échec du putschisme. Par contre nous devons chercher pour le règlement de cette crise militaire, toutes les voies qui s’appliquent sur cette solution entre les partis en cause.
Maintenant il y a la crise politique qui oppose les acteurs politiques, ça c’est le jeu normal de l’institution ; on était dans ce jeu en apparence jusqu’à la fin de la session parlementaire passée. Ceux qui s’opposent au Président de la république avaient tous les moyens constitutionnels de continuer à le combattre ; c’est l’ingérence de l’armée qui a faussé le débat politique et le jeu politique. Si l’armée se retire, en ce moment la controverse politique peut trouver une solution entre les différents protagonistes politiques qui vont se rendre compte qu’il y a eu un tremblement de terre, qu’il y a eu beaucoup de dégâts, qu’il faut restaurer le système démocratique. Dans cette perspective et dans un esprit de responsabilité et de compromis, il serait envisageable d’évaluer toutes les options et de choisir celle qui est la plus avantageuse pour l’union nationale, pour la stabilité du pays et pour le renforcement de la démocratie.
L’Eveil Hebdo : Actualité oblige, votre point de vue sur l’attaque de soldats mauritaniens dans le nord du Pays, précisément à Zouerate
MOM : Cette attaque est la troisième du genre avec un résultat malheureusement similaire. Notre armée est toujours mise dans des conditions frustrantes, et du fait que le nord du pays est le terrain de prédilection des bandes armées, il y a là un risque majeur pour la sécurité nationale et cela demande une mobilisation de notre armée et de toutes nos ressources, mais aussi de notre unité nationale pour faire face aux dangers. Malheureusement, avec le coup d’état, on voit que l’armée est détournée de cet objectif, détourné au niveau des moyens, détourné au niveau de la pension et l’union nationale est compromise parce qu’il viole les règles qui régissent nos rapports politiques. Donc véritablement, il y a urgence, il faut qu’on en finisse avec cette crise, pour pouvoir restaurer la légalité constitutionnelle, qui est la seule solution qui permettra à l’armée de s’éloigner des méandres de la politique et de pouvoir faire face à cette menace majeure qui pèse dans notre pays. Je vois que l’armée est déstructurée totalement depuis plusieurs années, parce qu’il faut les organiser essentiellement pour la prise du pouvoir. Pour sauvegarder le pouvoir, elles ne sont pas organisées actuellement à défendre la sécurité nationale et les frontières du pays. Ce qu’il faut, c’est de les réorganiser sur la base d’un nouvel objectif sacré qui est celui d’assurer la sécurité nationale, d’assurer la défense de nos frontières, ce qui passera par l’unification du commandement et d’autres mesures de réhabilitation de l’armée et le renforcement de ses équipements et d’un fonctionnement selon les règles du métier.
Interview réalisée par l’Eveil-Hebdo
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Source: ufp web
(M) avomm