
Le dirigeant du Front National pour la Défense de la Démocratie (FNDD) et Député de l'Union des Forces de Progrès (UFP), Monsieur Moustapha Ould Bedre Eddine, déclare que ce que les Militaires appellent 'Journées de Concertations' "consistent en une réunion de putschistes qui discutent des affaires de putschistes" et ne constituent en rien une occasion de dialogue entre les protagonistes de la crise. Le Député ajoute qu'à son avis, la Junte se dirige droit vers la banqueroute à cause de la conjugaison de plusieurs facteurs dont la crise économique mondiale, l'anarchie dans la gestion intérieure et l'isolement international. Ce n'est pas la chute vertigineuse des cours de la monnaie nationale (15 % en dix jours) qui viendrait démentir Ould Bedre Eddine!
Ould Bedre Eddine, lors d'une importante interview réalisée par le journal arabophone "El Moustaghbal" et traduite en français par les services de For-Mauritania, dissèque la comédie des journées de concertations en expliquant qu'elles n'ont aucune valeur légale ni importance politique. Boycottées par les 12 partis du FNDD, les Centrales Syndicales, les ONG de la société civile et des Droits de l'Homme, d'importantes personnalités telles l'ancien Président du CMJD, Ely Ould Mohamed Vall et même par certains soutiens des putschistes, ces journées n'ont qu'un but, loin d'être atteint, celui de légitimer le fait accompli militaire.
Dans cette interview, Ould Berdre Eddine revient sur les rencontres entre le Président de l'UFP, Monsieur Mohamed Ould Maouloud et celui du Rassemblement des Forces Démocratiques, Mosieur Ahmed Ould Daddah pour expliquer qu'ils rentrent dans le cadre de contacts réguliers entre les deux entités. Le but de ces rencontres est d'expliquer au RFD que ses positions par rapport au Coup d'Etat étaient en contradiction avec ses principes et son histoire faite de lutte frontale contre les régimes militaires.
Revenant sur les relations diplomatiques avec Israël et l'éventualité de leur rupture, le dirigeant du FNDD rappelle qu'une telle coupure serait naturelle mais ne mériterait pas qu'on tresse des lauriers au Général limogé pour autant. Cela ne lui donnerait aucune légitimité supplémentaire.
Et voici le texte de l'interview:
El Moustaghbel : les journées de concertations ont démarré samedi dernier avec une participation massive y compris de la part de certaines chancelleries occidentales accréditées chez nous. Est-ce que cette participation pourrait leur conférer une sorte de légitimité malgré le boycott du Front ?
Moustapha Ould Bedre Eddine : Pour nous, la réussite des journées de concertations tient en une chose : sa participation à réduire le différend né en Mauritanie à la suite du coup d’Etat du 6 août. Ce coup d’Etat a divisé les Mauritaniens en deux camps : ceux qui s’agrippent à la légalité et à la Constitution, légalité que représente le Président élu pour cinq ans et reconnu par tout le monde, Sidi Ould Cheikh Abdallahi et ceux qui on renversé cette légalité et cherchent à s’en créer une nouvelle en imposant le fait accompli. Toute initiative qui ne vise pas à rapprocher ces deux camps nous éloigne de la solution. Les journées de concertations, telles qu’elles ont été organisées, telles que sont leurs composantes et leurs buts ne pourront pas servir à rapprocher les deux camps.
Ces journées sont organisées par les autorités putschistes… le Conseil Militaire et son gouvernement, n’y participent que les soutiens des putschistes, pas tous d’ailleurs. De mon point de vue leur but principal est la légitimation et la consolidation du Coup d’Etat. En face et en dehors restent le Front pour la Défense de la Démocratie, les Centrales Syndicales avec ce qu’elles représentent comme masses de travailleurs, les Organisations Non Gouvernementales de la société civile et nombre de partis et de personnalités non négligeables. L’une des plus importantes de ces personnalités est, sans doute, Ely Ould Mohamed Vall que je mettrais au même rang que celui du Président Sidi Ould Cheikh Abdallahi en sa qualité de Président lors de la période de transition. Il avait transmis le pouvoir au Président élu. Le boycott de ces journées de la part d’Ely Ould Mophamed Vall amoindrit leur importance voire leur ôte tout crédibilité.
Ces journées consistent en une réunion de putschistes qui discutent des affaires de putschistes. Ils essayent de leur donner de l’importance en y invitant des personnalités et notabilités qui n’ont strictement rien à y faire, comme le dit Ahmed Ould Daddah. La plupart de ces personnalités, venues de tous horizons, peuvent contribuer à tout sauf à la Politique. Elles ne sont là que pour faire du chiffre.
El Moustaghbel : Boidjel Ould Hmeid a déclaré, lors d’une émission télévisée, que le Front est pour le dialogue mais qu’il n’a pas été consulté de façon officielle. Quel est le sens de cette déclaration de votre point de vue au Front ?
Moustapha Ould Bedre Eddine : Cette déclaration- d’après ce que nous en avons compris au Front- veut dire que les journées de concertations, telles qu’elles sont organisées et tels que leurs buts ont été définis, ne constituent pas un point de départ pour le dialogue. Pour le Front, le dialogue doit être entre les partenaires politiques sans la participation des militaires et notamment sans ceux parmi ces derniers qui ont commis un coup d’Etat et renversé l’ordre constitutionnel. Ce qui est attendu de ces derniers est de renoncer au coup d’Etat. Quand tel sera le cas, les forces politiques, dans toute leur diversité y compris celles qui avaient soutenu le Coup d’Etat, pourront s’asseoir, sous l’égide du Président élu sidi Mohamed Ould Cheikh Andallahi, pour discuter de la meilleure manière de sortir de la crise consécutive au Coup d’Etat. C’est cela le dialogue pour nous. La méthode adoptée pour ces journées de concertations n’a rien à voir avec le dialogue.
El Moustaghbel : De nombreuses sources ont rapporté, ces derniers temps, des rencontres entre le Président Mohamed Ould Maouloud et le Président Ahmed Ould Daddah. Qu’en est il exactement et est ce là un début de rapprochement entre les deux partis ?
Moustapha Ould Bedre Eddine : Je voudrai rappeler que les contacts n’ont jamais été interrompus entre l’Union des Forces de Progrès (UFP) et le Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD). Même dans les périodes les plus sombres et notamment depuis le 6 août, les contacts ont toujours eu lieu. Je pense que la rencontre entre Mohamed et Ahmed le dimanche dernier était la troisième ou la quatrième de la sorte. Son sujet était la recherche de la solution de sortie de crise.
Plus précisément, l’UFP a, à chaque fois, essayé de démontrer au RFD que les positions de ce dernier par rapport au Coup d’Etat sont orthogonales à ses principes et à son programme. Comme tout le monde le sait, le RFD est un authentique parti d’opposition qui combat le régime militaire depuis les années 90. Nous n’accepterons pas de sa part qu’il se mette à cautionner un régime militaire.
Nous avons espoir et nous continuons à entretenir cet espoir que le RFD finisse par adopter les positions qui lui correspondent et qui consistent à repousser le régime militaire et refuser de se plier aux desiderata de ce dernier, comme il l’a toujours fait. Evidemment nous ne sommes pas encore arrivés à le convaincre mais cela n’entamera pas notre détermination à persévérer dans cette voie. C’est la position de l’UFP mais aussi celle du Front qui est toujours en contact avec Ahmed Ould Daddah.
Il y a eu entre le RFD et le Front des discussions. Dans un communiqué, Ahmed Ould Daddah affirmait que le Front porte la responsabilité du refus du dialogue. Le Front, dans autre communiqué, a répondu en récusant cette affirmation et en réitérant sa disponibilité à chercher un terrain d’entente permettant de se débarrasser du régime militaire. L’objet de ces rencontres a donc toujours été de convaincre le RFD et notamment Ahmed Ould Daddah de la nécessité de renoncer à aider les putschistes et de revenir à son positionnement historique à savoir celui de chef de file de l’Opposition démocratique.
El Moustaghbel : D’aucuns considèrent que l’opposition traditionnelle à Ould Taya avait fait la preuve, en 2007, qu’à elle seule, elle était capable de remporter les élections en Mauritanie. Les Mauritaniens lui feraient confiance, probablement parce qu’elle a moins trempé dans les affaires de gabegie que d’autres. Mais à chaque fois, une main invisible intervient pour la diviser et priver les Mauritanien du Changement tant attendu. Qu’en pensez-vous ?
Moustapha Ould Bedre Eddine : Vous avez raison. Si l’Opposition traditionnelle ne s’était pas divisée entre les deux tours, elle aurait remporté l’élection de 2007. Si cette même opposition arrive à se retrouver actuellement, aucune autre force ne l’empêcherait de faire échouer le Coup d’Etat et de redresser la situation. Mais, malheureusement, ce sont les divisions actuelles et anciennes qui font le malheur du pays. A l’UFP et au sein du Front nous sommes décidés à rassembler cette opposition d’autant plus que cette dernière s’est élargie et compte dans ses rangs une partie importante des forces qui soutenaient l’ancien régime. Nous pensons que rien ne pourrait résister devant une telle opposition, une fois rassemblée.
Je reconnais qu’il y a des difficultés et que des différences de sensibilités entre les composantes d’une telle opposition sont à l’origine de son émiettement et furent à la cause de sa dispersion lors de la formation du gouvernement de Ould Elghf. Cette différence de sensibilité était aussi à l’origine de la différence de positionnement par rapport au Coup d’Etat. Mais je continue à penser que nous avons en commun un passé de lutte et que nous avons tous intérêt au retour de l’ordre démocratique.
Nos efforts convergent vers deux points essentiels qui nous uniront : le retour de la démocratie et l’éloignement de l’Armée par rapport à l’exercice du pouvoir. Il s’agit là d’un minimum vital qui réunit l’ensemble de l’Opposition, ceux qui sont au Front et ceux qui n’y sont pas et notamment le RFD.
El Moustaghbel : La classe politique est obnubilée par la situation à Gaza. Cette tragédie a unifié la classe politique qui a pu se retrouver dans un meeting unitaire. Pensez-vous que l’éventualité d’une rupture des relations avec Israël pourrait brouiller les cartes et atténuer les frontières?
Moustapha Ould Bedre Eddine : Comme vous pouvez le remarquer, dans l’ensemble du monde arabe et musulman, tout le monde est descendu dans la rue ; gouvernants et administrés, partis de gouvernement et ceux de l’opposition. Les communiqués et déclarations des uns et des autres sont très proches sinon confondus. Les tons des condamnations peuvent varier, mais tous dénoncent la barbarie aveugle. C’est ce à quoi la cause palestinienne nous a habitués… En tant qu’arabes, nous restons divisés sur tout mais unis quand il se produit quelque chose en Palestine.
Mais quand la tension tombe à Gaza, nous retournons vers nos divisions habituelles. Je l’avais dit dans une réunion, nous, les Mauritaniens, nous sommes redevables à la Palestine qui nous trouve déchirés à couteaux tirés et nous permet, quand quelque chose s’y produit, d’afficher notre plus belle unité. Mais, comme tous les autres Arabes, la Palestine ne nous doit que très peu de chose… Depuis le temps de ma jeunesse, j’ai vu les arabes manifester pour la Palestine. Mais je n’ai jamais vu autant de malheur s’abattre sur ce peuple que ce qui lui arrive actuellement. Jamais l’Histoire n’a enregistré autant d’impuissance des palestiniens, autant d’aplatissement des Arabes. Si les centaines de millions d’Arabes avaient pu avoir une position commune contre trois millions d’israéliens, la question aurait pu être réglée, depuis 60 ans que cela dure.
Si les Arabes étaient sérieux dans leurs intensions, Israël n’aurait pas pu se permettre la barbarie actuelle. Mais, visiblement, les gesticulations auxquelles nous assistons chez nos gouvernants sont destinées à la consommation locale, sans autres finalités. C’est de la poudre aux yeux qui se dissipera dés que la crise baissera d’un cran. Et on reviendra à nos querelles habituelles en oubliant, pour un temps, la Palestine.
C’est un sport purement arabe et nous, les Mauritaniens, nous ne dérogeons pas à cette règle. Quand le pouvoir trouve que la cause palestinienne peut lui permettre d’atténuer les effets d’une crise intérieure, il n’hésite jamais à s’en servir… Je me rappelle de l’année 1968 quand il y eut la tuerie de Zouérate. Les Mauritaniens sont descendus dans la rue pour condamner le massacre et exprimer leur solidarité avec les travailleurs de Zouérate tout en fustigeant le gouvernement de feu Moktar Ould Daddah. Mais, très vite, ce dernier se rappela de la cause palestinienne et n’hésita un seul moment à exploiter ce qui s’y passait en ce moment là. Ce fut le grand meeting unitaire dans lequel le Président demanda aux Mauritaniens de taire leurs divisions et de se solidariser avec les Palestiniens meurtris. Et ça avait très bien marché.
Cela ne m’étonnerait pas de voir le pouvoir actuel afficher sa solidarité avec les Palestiniens de Gaza mais il est clair que le but est plus d’endormir les Mauritaniens que de soutenir le peuple de Palestine. C’est plus un traitement de la crise intérieure à la Mauritanie qu’une volonté réelle d’aider les Palestiniens.
Cependant tout pas dans la direction d’une rupture des relations avec Israël serait le bienvenu, mais ce ne serait là que faire son travail de la part des autorités mauritaniennes et de toutes autres autorités arabes. Tant qu’Israël traite la question palestinienne avec tant de barbarie, de violence et de violation des droits humains les plus basiques, toute relation avec cet Etat est une trahison de la cause palestinienne. Un pouvoir qui rompt une telle relation aurait renoncé à aider Israël à continuer à tuer des Palestiniens. Devrons-nous le décorer pour ce geste ? lui tresser des lauriers ? bien sûr que non. Une rupture éventuelle des relations avec Israël ne nous empêchera nullement de continuer à réclamer le retour à la légalité et la restauration de l’ordre constitutionnel…
Les forces politiques se doivent de soutenir les Palestiniens et d’exiger des gouvernants locaux et dans le monde arabe de rompre les relations diplomatiques avec Israël. Nous devons aider nos frères à Gaza, que nous soyons dans l’Opposition ou au Gouvernement. Les aider moralement, matériellement et même aller combattre à leurs côtés. Ce doit être le programme des forces politiques jusqu’à l’arrêt de l’agression et l’instauration d’un Etat palestinien dont Elghods sera la capitale.
Pour ce qui est de la crise locale, en Mauritanie, elle était là avant Gaza et demeurera après. Il est vrai que les événements de Gaza, par l’impacte qu’ils ont sur tout le monde, impactent aussi cette crise. Mais cette crise locale ne pourrait avoir d’issue que par une dynamique locale… Le retour à la démocratie en Mauritanie ne pourrait être envisagé durablement sans le renoncement définitif à la pratique des coups d’Etat et l’instauration d’une solution constitutionnelle.
El Moustaghbel : Le Député El Khalil Ould Eteyeb avait dit qu’en cas de rupture des relations avec Israël, il se joindrait aux journées de concertations. Quelle signification peut-on donner à de telles déclarations ? Serait ce juste un défi ?
Moustapha Ould Bedre Eddine : Il se trouve que j’étais là quand la déclaration avait été faite et il me semble que les journalistes ne l’avaient pas répercutée avec toute la précision requise. Le Député avait réclamé la rupture des relations avec Israël en ajoutant qu’il serait reconnaissant au gouvernement si ce dernier rompait ces relations. Il n’a pas dit qu’il irait aux journées de concertations, même si certains l’ont compris ainsi.
Pour nous la rupture des relations avec Israël est une obligation. Nous ne reconnaissons pas les autorités actuelles et une éventuelle rupture avec Israël ne nous amènera pas à changer d’avis et ne donnera pas à ces autorités plus de légitimité à nos yeux.
El Moustaghbel : Pensez-vous que le peuple mauritanien soit réceptif à cette façon de poser la question ? Lui qui est si enthousiaste à la rupture de relations que même le gouvernement élu n’avait pu rompre.
Moustapha Ould Bedre Eddine : L’importance des relations diplomatiques avec l’Etat d’Israël a été exagérée. Ce sont des relations entre le gouvernement et Israël. Les Mauritaniens, dans leur diversité, y compris les membres du gouvernement quand ils s’expriment en off, détestent Israël. L’Ambassadeur israélien vit reclus et rares sont ceux qui lui rendent visite publiquement. Il est souvent absent et a été, à de nombreuses reprises, chassé de nombreuses cérémonies où il avait essayé de paraître en public. Ces relations sont donc inexistantes dans la pratique et néfastes pour l’image du pays à l’étranger. Celui qui les rompra n’aura fait que son devoir et ne peut revendiquer une récompense particulière. C’est un peu comme quelqu’un qui s’adonnait à la consommation de l’alcool et des stupéfiants décide d’arrêter. Il ne peut exiger une médaille contre son abstinence retrouvée. Il n’aura fait que normaliser sa situation.
Il serait suffisant pour le gouvernement qui romprait ces relations là de se faire pardonner par le peuple d’avoir attendu si longtemps pour le faire. Il est vrai que la rue sera contente étant donné la monstruosité de ces relations, quand elles seront coupées mais n’accordons pas à cet éventuel geste plus de valeur qu’il n’en a en réalité.
El Moustaghbel : Ne craignez-vous pas que le Général Aziz tire de la gloriole de cette rupture, se drape dans l’habit du nationaliste héroïque et devienne plus difficile à combattre politiquement?
Moustapha Ould Bedre Eddine : C’est possible. Il est possible que certains milieux arabes non informés sur ce qui se passe en Mauritanie le prennent pour un héros. Pour nous, Mauritaniens opposés aux relations avec Israël, nous ne le considérerions pas comme un héros car il n’aurait fait que son devoir. Vous le savez bien, notre différend avec Ould Abdel Aziz ne réside pas dans la question des relations avec Israël mais dans le fait qu’il avait usurpé le pouvoir. Ce différend ne pourrait être dépassé sans le retour à la légalité constitutionnelle en Mauritanie.
El Moustaghbel : Comment envisagez-vous l’avenir pour résoudre cette crise politique ?
Moustapha Ould Bedre Eddine : Il me semble que la résolution de cette crise nécessite un certain temps. Il semble cependant qu’au niveau national il existe un fort attachement à la démocratie et au respect de la Constitution. Cet attachement est perceptible pas seulement au niveau du Front mais bien au-delà, au niveau des forces syndicales, de la société civile, des organisations de droits de l’Homme, des notabilités et même des milieux traditionnalistes…Au niveau international, il existe une quasi unanimité sur la condamnation du Coup d’Etat en Mauritanie et la revendication du retour à la légalité constitutionnelle. Pour preuve de cette unanimité, le fait que pas un seul pays n’a déclaré publiquement sa reconnaissance des autorités militaires. Même les pays qui manifestent une certaine compréhension à l’égard des militaires le font le plus discrètement possible, comme s’ils en avaient honte. Autre preuve, pas un seul télégramme ou message de félicitation n’avait été adressé au général Aziz à l’occasion de la fête de l’Indépendance et ce malgré les cérémonies qu’il organisa et les lettres qu’il envoya aux quatre coins du monde et à tous les présidents et chefs d’Etat étrangers. C’est bien là un état d’embargo diplomatique et un divorce consommé entre la Junte et le monde.
Je crois que cette situation va perdurer et empirer les semaines et mois prochains, aussi bien au niveau local qu’au niveau international…
Sur le plan national, la crise économique dans laquelle le pays est planté va s’aggraver à cause de la chute des cours du fer mauritanien pour lequel la demande se raréfie. En plus, le secteur de la pêche connaît une léthargie sans précédent. Les Mauritaniens qui travaillent dans ce domaine sont empêchés d’exporter leur production. Le pétrole, en plus de la révision drastique à la baisse des quantités annoncées, voit son cours s’effondrer.
Ces secteurs sinistrés sont les principaux pourvoyeurs du budget de l’Etat. Leur défaillance se traduira par une carence des autorités putschistes et leur incapacité à honorer le catalogue de promesses et d’engagement qu’ils distribuent à tire larigot et qui ne pourront être respectés.
Ajouter à cela l’anarchie qui règne sans partage dans tous les secteurs de l’économie, de l’agriculture, de la culture et le gaspillage sans retenue qui finiront par assécher les reliquats que les putschistes ont trouvé dans les caisses de l’Etat. Dans un mois ou deux, le gouvernement se retrouvera au bord de la banqueroute pour ces raisons endogènes.
Les secours ne pourront évidemment pas venir de l’Etranger et pour cause ! La Banque Mondiale a arrêté ses programmes d’aide à notre pays. Cette aide qui s’élevait à 271 millions de dollars américains est suspendue et ne peut être remplacée. Il sera difficile d’expliquer à la rue mauritanienne que les promesses ne pourront être tenues par manque de moyens. Nous allons, de mon point de vue, vers des moments difficiles.
Nous pensons que le régime militaire s’oriente vers une banqueroute généralisée qui l’amènera à affronter un mécontentement tout aussi généralisé. Il ne pourra s’en sortir qu’en renonçant au Coup d’Etat et en acceptant le retour à la légalité et à l’ordre démocratique.
(Traduction : For-Mauritania)
Ould Bedre Eddine, lors d'une importante interview réalisée par le journal arabophone "El Moustaghbal" et traduite en français par les services de For-Mauritania, dissèque la comédie des journées de concertations en expliquant qu'elles n'ont aucune valeur légale ni importance politique. Boycottées par les 12 partis du FNDD, les Centrales Syndicales, les ONG de la société civile et des Droits de l'Homme, d'importantes personnalités telles l'ancien Président du CMJD, Ely Ould Mohamed Vall et même par certains soutiens des putschistes, ces journées n'ont qu'un but, loin d'être atteint, celui de légitimer le fait accompli militaire.
Dans cette interview, Ould Berdre Eddine revient sur les rencontres entre le Président de l'UFP, Monsieur Mohamed Ould Maouloud et celui du Rassemblement des Forces Démocratiques, Mosieur Ahmed Ould Daddah pour expliquer qu'ils rentrent dans le cadre de contacts réguliers entre les deux entités. Le but de ces rencontres est d'expliquer au RFD que ses positions par rapport au Coup d'Etat étaient en contradiction avec ses principes et son histoire faite de lutte frontale contre les régimes militaires.
Revenant sur les relations diplomatiques avec Israël et l'éventualité de leur rupture, le dirigeant du FNDD rappelle qu'une telle coupure serait naturelle mais ne mériterait pas qu'on tresse des lauriers au Général limogé pour autant. Cela ne lui donnerait aucune légitimité supplémentaire.
Et voici le texte de l'interview:
El Moustaghbel : les journées de concertations ont démarré samedi dernier avec une participation massive y compris de la part de certaines chancelleries occidentales accréditées chez nous. Est-ce que cette participation pourrait leur conférer une sorte de légitimité malgré le boycott du Front ?
Moustapha Ould Bedre Eddine : Pour nous, la réussite des journées de concertations tient en une chose : sa participation à réduire le différend né en Mauritanie à la suite du coup d’Etat du 6 août. Ce coup d’Etat a divisé les Mauritaniens en deux camps : ceux qui s’agrippent à la légalité et à la Constitution, légalité que représente le Président élu pour cinq ans et reconnu par tout le monde, Sidi Ould Cheikh Abdallahi et ceux qui on renversé cette légalité et cherchent à s’en créer une nouvelle en imposant le fait accompli. Toute initiative qui ne vise pas à rapprocher ces deux camps nous éloigne de la solution. Les journées de concertations, telles qu’elles ont été organisées, telles que sont leurs composantes et leurs buts ne pourront pas servir à rapprocher les deux camps.
Ces journées sont organisées par les autorités putschistes… le Conseil Militaire et son gouvernement, n’y participent que les soutiens des putschistes, pas tous d’ailleurs. De mon point de vue leur but principal est la légitimation et la consolidation du Coup d’Etat. En face et en dehors restent le Front pour la Défense de la Démocratie, les Centrales Syndicales avec ce qu’elles représentent comme masses de travailleurs, les Organisations Non Gouvernementales de la société civile et nombre de partis et de personnalités non négligeables. L’une des plus importantes de ces personnalités est, sans doute, Ely Ould Mohamed Vall que je mettrais au même rang que celui du Président Sidi Ould Cheikh Abdallahi en sa qualité de Président lors de la période de transition. Il avait transmis le pouvoir au Président élu. Le boycott de ces journées de la part d’Ely Ould Mophamed Vall amoindrit leur importance voire leur ôte tout crédibilité.
Ces journées consistent en une réunion de putschistes qui discutent des affaires de putschistes. Ils essayent de leur donner de l’importance en y invitant des personnalités et notabilités qui n’ont strictement rien à y faire, comme le dit Ahmed Ould Daddah. La plupart de ces personnalités, venues de tous horizons, peuvent contribuer à tout sauf à la Politique. Elles ne sont là que pour faire du chiffre.
El Moustaghbel : Boidjel Ould Hmeid a déclaré, lors d’une émission télévisée, que le Front est pour le dialogue mais qu’il n’a pas été consulté de façon officielle. Quel est le sens de cette déclaration de votre point de vue au Front ?
Moustapha Ould Bedre Eddine : Cette déclaration- d’après ce que nous en avons compris au Front- veut dire que les journées de concertations, telles qu’elles sont organisées et tels que leurs buts ont été définis, ne constituent pas un point de départ pour le dialogue. Pour le Front, le dialogue doit être entre les partenaires politiques sans la participation des militaires et notamment sans ceux parmi ces derniers qui ont commis un coup d’Etat et renversé l’ordre constitutionnel. Ce qui est attendu de ces derniers est de renoncer au coup d’Etat. Quand tel sera le cas, les forces politiques, dans toute leur diversité y compris celles qui avaient soutenu le Coup d’Etat, pourront s’asseoir, sous l’égide du Président élu sidi Mohamed Ould Cheikh Andallahi, pour discuter de la meilleure manière de sortir de la crise consécutive au Coup d’Etat. C’est cela le dialogue pour nous. La méthode adoptée pour ces journées de concertations n’a rien à voir avec le dialogue.
El Moustaghbel : De nombreuses sources ont rapporté, ces derniers temps, des rencontres entre le Président Mohamed Ould Maouloud et le Président Ahmed Ould Daddah. Qu’en est il exactement et est ce là un début de rapprochement entre les deux partis ?
Moustapha Ould Bedre Eddine : Je voudrai rappeler que les contacts n’ont jamais été interrompus entre l’Union des Forces de Progrès (UFP) et le Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD). Même dans les périodes les plus sombres et notamment depuis le 6 août, les contacts ont toujours eu lieu. Je pense que la rencontre entre Mohamed et Ahmed le dimanche dernier était la troisième ou la quatrième de la sorte. Son sujet était la recherche de la solution de sortie de crise.
Plus précisément, l’UFP a, à chaque fois, essayé de démontrer au RFD que les positions de ce dernier par rapport au Coup d’Etat sont orthogonales à ses principes et à son programme. Comme tout le monde le sait, le RFD est un authentique parti d’opposition qui combat le régime militaire depuis les années 90. Nous n’accepterons pas de sa part qu’il se mette à cautionner un régime militaire.
Nous avons espoir et nous continuons à entretenir cet espoir que le RFD finisse par adopter les positions qui lui correspondent et qui consistent à repousser le régime militaire et refuser de se plier aux desiderata de ce dernier, comme il l’a toujours fait. Evidemment nous ne sommes pas encore arrivés à le convaincre mais cela n’entamera pas notre détermination à persévérer dans cette voie. C’est la position de l’UFP mais aussi celle du Front qui est toujours en contact avec Ahmed Ould Daddah.
Il y a eu entre le RFD et le Front des discussions. Dans un communiqué, Ahmed Ould Daddah affirmait que le Front porte la responsabilité du refus du dialogue. Le Front, dans autre communiqué, a répondu en récusant cette affirmation et en réitérant sa disponibilité à chercher un terrain d’entente permettant de se débarrasser du régime militaire. L’objet de ces rencontres a donc toujours été de convaincre le RFD et notamment Ahmed Ould Daddah de la nécessité de renoncer à aider les putschistes et de revenir à son positionnement historique à savoir celui de chef de file de l’Opposition démocratique.
El Moustaghbel : D’aucuns considèrent que l’opposition traditionnelle à Ould Taya avait fait la preuve, en 2007, qu’à elle seule, elle était capable de remporter les élections en Mauritanie. Les Mauritaniens lui feraient confiance, probablement parce qu’elle a moins trempé dans les affaires de gabegie que d’autres. Mais à chaque fois, une main invisible intervient pour la diviser et priver les Mauritanien du Changement tant attendu. Qu’en pensez-vous ?
Moustapha Ould Bedre Eddine : Vous avez raison. Si l’Opposition traditionnelle ne s’était pas divisée entre les deux tours, elle aurait remporté l’élection de 2007. Si cette même opposition arrive à se retrouver actuellement, aucune autre force ne l’empêcherait de faire échouer le Coup d’Etat et de redresser la situation. Mais, malheureusement, ce sont les divisions actuelles et anciennes qui font le malheur du pays. A l’UFP et au sein du Front nous sommes décidés à rassembler cette opposition d’autant plus que cette dernière s’est élargie et compte dans ses rangs une partie importante des forces qui soutenaient l’ancien régime. Nous pensons que rien ne pourrait résister devant une telle opposition, une fois rassemblée.
Je reconnais qu’il y a des difficultés et que des différences de sensibilités entre les composantes d’une telle opposition sont à l’origine de son émiettement et furent à la cause de sa dispersion lors de la formation du gouvernement de Ould Elghf. Cette différence de sensibilité était aussi à l’origine de la différence de positionnement par rapport au Coup d’Etat. Mais je continue à penser que nous avons en commun un passé de lutte et que nous avons tous intérêt au retour de l’ordre démocratique.
Nos efforts convergent vers deux points essentiels qui nous uniront : le retour de la démocratie et l’éloignement de l’Armée par rapport à l’exercice du pouvoir. Il s’agit là d’un minimum vital qui réunit l’ensemble de l’Opposition, ceux qui sont au Front et ceux qui n’y sont pas et notamment le RFD.
El Moustaghbel : La classe politique est obnubilée par la situation à Gaza. Cette tragédie a unifié la classe politique qui a pu se retrouver dans un meeting unitaire. Pensez-vous que l’éventualité d’une rupture des relations avec Israël pourrait brouiller les cartes et atténuer les frontières?
Moustapha Ould Bedre Eddine : Comme vous pouvez le remarquer, dans l’ensemble du monde arabe et musulman, tout le monde est descendu dans la rue ; gouvernants et administrés, partis de gouvernement et ceux de l’opposition. Les communiqués et déclarations des uns et des autres sont très proches sinon confondus. Les tons des condamnations peuvent varier, mais tous dénoncent la barbarie aveugle. C’est ce à quoi la cause palestinienne nous a habitués… En tant qu’arabes, nous restons divisés sur tout mais unis quand il se produit quelque chose en Palestine.
Mais quand la tension tombe à Gaza, nous retournons vers nos divisions habituelles. Je l’avais dit dans une réunion, nous, les Mauritaniens, nous sommes redevables à la Palestine qui nous trouve déchirés à couteaux tirés et nous permet, quand quelque chose s’y produit, d’afficher notre plus belle unité. Mais, comme tous les autres Arabes, la Palestine ne nous doit que très peu de chose… Depuis le temps de ma jeunesse, j’ai vu les arabes manifester pour la Palestine. Mais je n’ai jamais vu autant de malheur s’abattre sur ce peuple que ce qui lui arrive actuellement. Jamais l’Histoire n’a enregistré autant d’impuissance des palestiniens, autant d’aplatissement des Arabes. Si les centaines de millions d’Arabes avaient pu avoir une position commune contre trois millions d’israéliens, la question aurait pu être réglée, depuis 60 ans que cela dure.
Si les Arabes étaient sérieux dans leurs intensions, Israël n’aurait pas pu se permettre la barbarie actuelle. Mais, visiblement, les gesticulations auxquelles nous assistons chez nos gouvernants sont destinées à la consommation locale, sans autres finalités. C’est de la poudre aux yeux qui se dissipera dés que la crise baissera d’un cran. Et on reviendra à nos querelles habituelles en oubliant, pour un temps, la Palestine.
C’est un sport purement arabe et nous, les Mauritaniens, nous ne dérogeons pas à cette règle. Quand le pouvoir trouve que la cause palestinienne peut lui permettre d’atténuer les effets d’une crise intérieure, il n’hésite jamais à s’en servir… Je me rappelle de l’année 1968 quand il y eut la tuerie de Zouérate. Les Mauritaniens sont descendus dans la rue pour condamner le massacre et exprimer leur solidarité avec les travailleurs de Zouérate tout en fustigeant le gouvernement de feu Moktar Ould Daddah. Mais, très vite, ce dernier se rappela de la cause palestinienne et n’hésita un seul moment à exploiter ce qui s’y passait en ce moment là. Ce fut le grand meeting unitaire dans lequel le Président demanda aux Mauritaniens de taire leurs divisions et de se solidariser avec les Palestiniens meurtris. Et ça avait très bien marché.
Cela ne m’étonnerait pas de voir le pouvoir actuel afficher sa solidarité avec les Palestiniens de Gaza mais il est clair que le but est plus d’endormir les Mauritaniens que de soutenir le peuple de Palestine. C’est plus un traitement de la crise intérieure à la Mauritanie qu’une volonté réelle d’aider les Palestiniens.
Cependant tout pas dans la direction d’une rupture des relations avec Israël serait le bienvenu, mais ce ne serait là que faire son travail de la part des autorités mauritaniennes et de toutes autres autorités arabes. Tant qu’Israël traite la question palestinienne avec tant de barbarie, de violence et de violation des droits humains les plus basiques, toute relation avec cet Etat est une trahison de la cause palestinienne. Un pouvoir qui rompt une telle relation aurait renoncé à aider Israël à continuer à tuer des Palestiniens. Devrons-nous le décorer pour ce geste ? lui tresser des lauriers ? bien sûr que non. Une rupture éventuelle des relations avec Israël ne nous empêchera nullement de continuer à réclamer le retour à la légalité et la restauration de l’ordre constitutionnel…
Les forces politiques se doivent de soutenir les Palestiniens et d’exiger des gouvernants locaux et dans le monde arabe de rompre les relations diplomatiques avec Israël. Nous devons aider nos frères à Gaza, que nous soyons dans l’Opposition ou au Gouvernement. Les aider moralement, matériellement et même aller combattre à leurs côtés. Ce doit être le programme des forces politiques jusqu’à l’arrêt de l’agression et l’instauration d’un Etat palestinien dont Elghods sera la capitale.
Pour ce qui est de la crise locale, en Mauritanie, elle était là avant Gaza et demeurera après. Il est vrai que les événements de Gaza, par l’impacte qu’ils ont sur tout le monde, impactent aussi cette crise. Mais cette crise locale ne pourrait avoir d’issue que par une dynamique locale… Le retour à la démocratie en Mauritanie ne pourrait être envisagé durablement sans le renoncement définitif à la pratique des coups d’Etat et l’instauration d’une solution constitutionnelle.
El Moustaghbel : Le Député El Khalil Ould Eteyeb avait dit qu’en cas de rupture des relations avec Israël, il se joindrait aux journées de concertations. Quelle signification peut-on donner à de telles déclarations ? Serait ce juste un défi ?
Moustapha Ould Bedre Eddine : Il se trouve que j’étais là quand la déclaration avait été faite et il me semble que les journalistes ne l’avaient pas répercutée avec toute la précision requise. Le Député avait réclamé la rupture des relations avec Israël en ajoutant qu’il serait reconnaissant au gouvernement si ce dernier rompait ces relations. Il n’a pas dit qu’il irait aux journées de concertations, même si certains l’ont compris ainsi.
Pour nous la rupture des relations avec Israël est une obligation. Nous ne reconnaissons pas les autorités actuelles et une éventuelle rupture avec Israël ne nous amènera pas à changer d’avis et ne donnera pas à ces autorités plus de légitimité à nos yeux.
El Moustaghbel : Pensez-vous que le peuple mauritanien soit réceptif à cette façon de poser la question ? Lui qui est si enthousiaste à la rupture de relations que même le gouvernement élu n’avait pu rompre.
Moustapha Ould Bedre Eddine : L’importance des relations diplomatiques avec l’Etat d’Israël a été exagérée. Ce sont des relations entre le gouvernement et Israël. Les Mauritaniens, dans leur diversité, y compris les membres du gouvernement quand ils s’expriment en off, détestent Israël. L’Ambassadeur israélien vit reclus et rares sont ceux qui lui rendent visite publiquement. Il est souvent absent et a été, à de nombreuses reprises, chassé de nombreuses cérémonies où il avait essayé de paraître en public. Ces relations sont donc inexistantes dans la pratique et néfastes pour l’image du pays à l’étranger. Celui qui les rompra n’aura fait que son devoir et ne peut revendiquer une récompense particulière. C’est un peu comme quelqu’un qui s’adonnait à la consommation de l’alcool et des stupéfiants décide d’arrêter. Il ne peut exiger une médaille contre son abstinence retrouvée. Il n’aura fait que normaliser sa situation.
Il serait suffisant pour le gouvernement qui romprait ces relations là de se faire pardonner par le peuple d’avoir attendu si longtemps pour le faire. Il est vrai que la rue sera contente étant donné la monstruosité de ces relations, quand elles seront coupées mais n’accordons pas à cet éventuel geste plus de valeur qu’il n’en a en réalité.
El Moustaghbel : Ne craignez-vous pas que le Général Aziz tire de la gloriole de cette rupture, se drape dans l’habit du nationaliste héroïque et devienne plus difficile à combattre politiquement?
Moustapha Ould Bedre Eddine : C’est possible. Il est possible que certains milieux arabes non informés sur ce qui se passe en Mauritanie le prennent pour un héros. Pour nous, Mauritaniens opposés aux relations avec Israël, nous ne le considérerions pas comme un héros car il n’aurait fait que son devoir. Vous le savez bien, notre différend avec Ould Abdel Aziz ne réside pas dans la question des relations avec Israël mais dans le fait qu’il avait usurpé le pouvoir. Ce différend ne pourrait être dépassé sans le retour à la légalité constitutionnelle en Mauritanie.
El Moustaghbel : Comment envisagez-vous l’avenir pour résoudre cette crise politique ?
Moustapha Ould Bedre Eddine : Il me semble que la résolution de cette crise nécessite un certain temps. Il semble cependant qu’au niveau national il existe un fort attachement à la démocratie et au respect de la Constitution. Cet attachement est perceptible pas seulement au niveau du Front mais bien au-delà, au niveau des forces syndicales, de la société civile, des organisations de droits de l’Homme, des notabilités et même des milieux traditionnalistes…Au niveau international, il existe une quasi unanimité sur la condamnation du Coup d’Etat en Mauritanie et la revendication du retour à la légalité constitutionnelle. Pour preuve de cette unanimité, le fait que pas un seul pays n’a déclaré publiquement sa reconnaissance des autorités militaires. Même les pays qui manifestent une certaine compréhension à l’égard des militaires le font le plus discrètement possible, comme s’ils en avaient honte. Autre preuve, pas un seul télégramme ou message de félicitation n’avait été adressé au général Aziz à l’occasion de la fête de l’Indépendance et ce malgré les cérémonies qu’il organisa et les lettres qu’il envoya aux quatre coins du monde et à tous les présidents et chefs d’Etat étrangers. C’est bien là un état d’embargo diplomatique et un divorce consommé entre la Junte et le monde.
Je crois que cette situation va perdurer et empirer les semaines et mois prochains, aussi bien au niveau local qu’au niveau international…
Sur le plan national, la crise économique dans laquelle le pays est planté va s’aggraver à cause de la chute des cours du fer mauritanien pour lequel la demande se raréfie. En plus, le secteur de la pêche connaît une léthargie sans précédent. Les Mauritaniens qui travaillent dans ce domaine sont empêchés d’exporter leur production. Le pétrole, en plus de la révision drastique à la baisse des quantités annoncées, voit son cours s’effondrer.
Ces secteurs sinistrés sont les principaux pourvoyeurs du budget de l’Etat. Leur défaillance se traduira par une carence des autorités putschistes et leur incapacité à honorer le catalogue de promesses et d’engagement qu’ils distribuent à tire larigot et qui ne pourront être respectés.
Ajouter à cela l’anarchie qui règne sans partage dans tous les secteurs de l’économie, de l’agriculture, de la culture et le gaspillage sans retenue qui finiront par assécher les reliquats que les putschistes ont trouvé dans les caisses de l’Etat. Dans un mois ou deux, le gouvernement se retrouvera au bord de la banqueroute pour ces raisons endogènes.
Les secours ne pourront évidemment pas venir de l’Etranger et pour cause ! La Banque Mondiale a arrêté ses programmes d’aide à notre pays. Cette aide qui s’élevait à 271 millions de dollars américains est suspendue et ne peut être remplacée. Il sera difficile d’expliquer à la rue mauritanienne que les promesses ne pourront être tenues par manque de moyens. Nous allons, de mon point de vue, vers des moments difficiles.
Nous pensons que le régime militaire s’oriente vers une banqueroute généralisée qui l’amènera à affronter un mécontentement tout aussi généralisé. Il ne pourra s’en sortir qu’en renonçant au Coup d’Etat et en acceptant le retour à la légalité et à l’ordre démocratique.
(Traduction : For-Mauritania)