
Incurable
La maladie du Tchad tenaille toujours, le patient. L’anecdote vaut bien la parenthèse : En 1993, éclate une discorde entre le Président du Tchad Idriss Déby et son Chef d’Etat Major et homme fort, le Colonel Abbas Koty qui entra en rébellion armée contre Ndjaména. Suite à d’importantes pressions, l’insurgé se rend en Libye où, sous l’égide du Guide, des négociations, entre les deux camps aboutissent à un accord, sur l’honneur, signé le 14 Aout 1993, devant le médiateur Libyen, le Colonel Kadhafi lui-même.
En son article 1er, l’entente stipule que le Colonel Abass Koty, son collaborateur et son garde du corps retournent à N’djamena, accompagnés d’une délégation de la grande Jamahiriya, dans le cadre de l’amnistie, déclarée par le gouvernement de la République du Tchad. Ils bénéficieront, sur place, de la protection du facilitateur, garant de leur sécurité physique. Deux jours après, le 16 Aout 1993, ils arrivent dans la capitale, sous escorte d’un imposant dispositif de sécurité libyen ; le colonel Abdou Rahman Al Seyid, représentant de la Grande Jamahiriya aux négociations, commande la manœuvre et garantit les termes de la conciliation.
Le 22 Aout 1993, le colonel Abass Koty, son collaborateur, son garde corps et certains membres de sa famille sont assassinés à 13h, pendant qu’ils déjeunaient, dans son domicile, à N’djamena. Jamais le Guide Libyen n’a protesté.
Le défunt Président du Niger, le Général Ibrahim Mainassara Baré s’attira la sympathie enthousiaste du Guide après son coup d’état en janvier 1996 ; ce dernier avait alors réuni, à Syrte, tous les responsables de l’opposition, regroupés au sein d’un front républicain pour la restauration de la démocratie (FRDD). A ces démocrates chevronnés, il tenait le même monologue obsessionnel, qu’à la classe politique de Mauritanie, le 11 Mars 2009, au Palais des congrès de Nouakchott.
Après l’assassinat du Général Baré le 9 Avril 1999, Alpha Oumar Konaré à l’époque Président du Mali s’insurgea contre la barbarie du putsch, refusa d’en croiser l’instigateur et s’obstinait, selon une admirable rigueur, à plaider la suspension du Niger de toutes les instances sous régionales et régionales. Hélas, c’était sans compter avec le cynisme héroïque et la loyauté friable du bienfaiteur de feu Mainassara ; Kadhafi manifesta, énergiquement, du respect et de la sollicitude, pour l’assassin de son ami et frère de la veille, le chef de bataillon Daouda Malam Wanké qu’il invita et reçut, faste et honneurs en confirmation, au sommet fondateur de l’union Africaine, du 9 septembre 1999, à Syrte.
Le 15 Septembre 2004, le chef d’escadron Daouda Malam Wanké meurt, dans la misère, abandonné par le colonel Kadhafi, désormais fidèle à son successeur, Mamadou Tanja.
La liste des privilèges accordés par Kadhafi et dont les bénéficiaires les acquittent au prix fort s’allonge encore partout en Afrique et ailleurs ; comble du ridicule et si loin de la Chahama – la dignité des preux chez les Arabes- lorsque ses amis déchoient, toujours les abandonne-t- il au triste sort et se lie à leurs tombeurs.
Impuissance
D’une sincérité un peu délicate à évaluer faute de sérénité intime, Kadhafi s’avère un homme profondément malheureux, parce que trop fier, irrégulier, sans stratégie mais d’une inefficacité performante ; ses actes, spectaculaires et irréfléchis accouchent de l’échec, peu lui importe le naufrage des individus qui sombrent de son erreur. Même la mémoire, qui enseigne la prudence empirique à la plupart des espèces vivantes, lui fait défaut.
En 1969, il s’improvisait conscience active du nationaliste arabe et militant révolutionnaire dont les combats et rêves tenaient à l’unification de la Umma. Il va s’y investir tambour battant. Or, toutes les intégrations, en chantier consécutifs, vont connaître une déroute tellement répétitive qu’elle en frisait le fétichisme masochiste; avec la Tunisie en 1973, par la suite l’Egypte, la Syrie, le Maroc, le Soudan, un moment Chypre et même la très chrétienne Malte, il aura désiré l’improbable amour et notre souvenance, s’épuise à recenser tant de désinvolture.
Déçu des refus opposés à ses offres, chagrin d’éconduite perpétuelle, il change de stratégie et s’avise d’obtenir l’étreinte convoitée, à coup de millions de dollars et de déstabilisation des régimes prudes. Si tu ne lui vends pas ton amitié ou ton estime, si tu déclines sa fraternité lucrative, le Guide s’emploie à t’infliger bien des misères. Par les opposants aux pouvoirs rétifs à sa séduction, il confectionne, en Libye, des mouvements de libération plus ou moins crédibles dont les figurants se naturalisent ou repartent, sur la pointe des pieds, tremblants de peur, surtout au lendemain de la disparition, le 31 août 1978, du Chiite libanais Moussa Sadr. Certains croyaient en l’homme et son idéal mais se retrouvent, pieds et poings liés, dans le laboratoire de sévices d’une officine de renseignements de leurs pays.
Comme à son habitude, en dépit de la facture colossale et du désir ardent de se dépasser, Kadhafi peine à produire un début de changement chez un peuple frère, même pas la Mauritanie du colonel Mohamed Khouna Ould Haidalla.
Au lieu de rassembler sa race comme il en cultive le mythe, Kadhafi l’incompris se confine dans la solitude et l’amertume envers l’ensemble de ses pairs de la Ligue et s’éloigne des factions palestiniennes qu’il présumait prendre sous son aile.
Un jour, tirant, pour une fois, la leçon de ses déboires, il renie désormais l’arabité, et décrète le peule Libyen, d’origine plutôt bantou, davantage parent des congolais, des gabonais que des bédouins du Maghreb. Rajeuni par un soupçon de lucidité fugitive, il s’investit dans une nouvelle entité des Etats-Unis d’Afrique. L’homme croit aux chimères, adule l’utopie et y gaspille du temps et surtout les richesses de son sous-sol. Cependant, pour annoncer, aux africains, sa vison d’un avenir radieux, il renvoie chez eux, avant chaque sommet de l’UA, par charters, dépossédés, humiliés, frustrés, de paisibles immigrés, venus chercher leur pitance, à la sueur du front, chez le promoteur même du lendemain meilleur.
Complexe
A présent, le chantre du nationalisme arabe, bonifié par le panafricanisme du pagne, mue en héraut de la monarchie. Le gauchiste de naguère, tombeur de l’égrotant Abdallah el-Senoussi, auteur de la première république en Libye et inventeur de la Jamahiriya état des masses, pendant 40 ans détracteur de toutes les féodalités contemporaines, s’autoproclame Roi des Rois et chefs traditionnels d’Afrique. Comment s’empêcher de concevoir, au moins, un peu de perplexité, devant de si pathétiques revirements !
Depuis sa distinction accidentelle par putsch, le Colonel Mouammar Kadhafi, Guide de la Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste, récemment auto-promu Roi des Rois et chefs traditionnels Africains, a voulu, les millions de dollars en guise d’argument diplomatique, parfois par la guerre au besoin, résoudre les conflits, dans le seul but de se donner un rôle majeur mais le succès manque.
Il s’est impliqué - mandaté ou non - dans le règlement des crises d’autorité et de légitimité, même les plus exotiques, sans parvenir jamais à en clore aucune.
Faute de caution, dans ce nouveau rôle, par les vrais aristocraties coutumières du Continent tels Mohamed VI du Maroc, Mswati III du Swaziland, Letsie III du Lesotho, Otumfuo Oséi Tutu II tout puissant maître de l’Empire Ashanti qui couvre une partie du Ghana et de la Cote d’ivoire, le Mogho Naba Tigré des Mossi au Burkina-Faso et bien d’autres Emirs du Sahara et Chefs de case prestigieuse du Sahel, Kadhafi brigue et achète le couronnement par des pieds nickelés, un peu bouffons à l’encan, dont le déguisement sert de gagne-pain. Avec Mouammar, l’intercontinentale de l’escroquerie au titre de noblesse prend siège à Tripoli. Elle tient, à longueur d’année, une représentation sous guichets très ouverts, dans les couloirs de l’hôtel Funduq Al-Kebir, sur la corniche de Tripoli. Un noble guerrier de l’Ouest ivoirien qui s’afficha avec le Guide se vit, au retour, déposer par ses pairs, au motif de « mauvaise fréquentation » !
Danger mortel!
John Jerry Rawlings, ancien président réformateur du Ghana et vieil familier de Kadhafi dont il partagea les confidences, les illuminations et quelques délires de rédimer le monde, en témoigne, sur le mode du désenchantement amer: « c’est un homme avec qui l’on ne peut partager des valeurs et dépourvu de toute vertu ».
Le jour où j’ai appris, un peu amusé par la perspective comparative et ses récurrences, que Kadhafi disait du bien du Général Aziz, je compris à quel point les jours de ce dernier sont désormais comptés. L’hôte, imprévisible en tout sauf dans la malchance dont il asperge ses émules, aura scellé, de quelques compliments mortels, le sort du putschiste mauritanien. Le Général Aziz, malgré les manifestations et toutes les sollicitations de son peuple depuis des années avant lui, refusait de rompre ses relations avec l’état d’Israël, avant de céder, in extrémis, aux exigences de la Libye, la veille de la visite controversée du Guide; au pris modique de 10 millions de dollars, livrés en liquide, le jour de la fermeture de l’ambassade de l’état hébreu à Nouakchott, le dirigeant de la junte joue mise de hasard sur la vie, avec toutes les conséquences d’une tel choix pour lui et son pays, dans la configuration du rapports de force, entre les Etats-Unis, l’Europe et surtout les institutions financières internationales.
L’arrivée en Mauritanie du Colonel Kadhafi a suscité, chez ce peuple fier et humble, voire parmi ses chefs militaires, l’espoir insensé, bientôt déçu, de les aider à affronter l’hostilité du monde. Paradoxe pitoyable, Mouammar Kadhafi, par sa partialité, en violation d’un mandat reçu de l’Union Africaine qu’il vient à peine de présider, pousse les deux principales forces politiques du pays, le RFD et le FNDD, à une ébauche d’accord contre sa médiation.
La visite du Guide démontre, aux Mauritaniens, combien leur général renonce, vite, à la souveraineté du pays, pour la sauvegarde de ses intérêts immédiats. Nombre de ses compatriotes se sentent encore bafoués et ressassent la blessure morale de ces 72 heures de siège, dans leur capitale, sous la botte de courtisans, collaborateurs et gardes de corps d’un chef d’état étranger, avec la bénédiction du haut conseil d’état et de son président.
Les images de cette virée de potaches, diffusées en courbe par la télévision libyenne, choquent qui connaît bien les mauritaniens et leur monomanie de la grandeur. Des dizaines de jeunes filles, selon une sélection au faciès, toutes habillées en uniforme blanc et maquillées pour la circonstance, buvaient la parole d’or du Guide, sous l’œil, torve et goguenard, des membres de sa suite. Que recherchait-on au travers de cette mise en scène indécente et insultante pour la République Islamique de Mauritanie ?
Généralement, la déchéance de la culture et des mœurs, à ce degré de déficit en vergogne, se paie d’une lourde contrepartie.
Le surlendemain, Kadhafi s’en allait semer la semence du doute en Guinée Bissau et au Niger et le Général Ould Abdel Aziz, à la conquête de l’électorat, une rare assurance sur les lèvres. Fort d’une sollicitude inespérée de l’hôte de la veille, il défie le monde et se paie de témérité. Comme le pendu agitant sa corde afin de se libérer de son emprise, plus il remue, mieux le nœud coulant lui enserre le cou. L’étouffement précipite le terme fatal. Partout sur terre, l’on meurt de bêtise ; en cela les Français s’étonnent, à juste titre, au constat que le ridicule ne tue plus autant.
19 mars 2009
Maitre KAMGA Souaib
Source: formauritania (M)
La maladie du Tchad tenaille toujours, le patient. L’anecdote vaut bien la parenthèse : En 1993, éclate une discorde entre le Président du Tchad Idriss Déby et son Chef d’Etat Major et homme fort, le Colonel Abbas Koty qui entra en rébellion armée contre Ndjaména. Suite à d’importantes pressions, l’insurgé se rend en Libye où, sous l’égide du Guide, des négociations, entre les deux camps aboutissent à un accord, sur l’honneur, signé le 14 Aout 1993, devant le médiateur Libyen, le Colonel Kadhafi lui-même.
En son article 1er, l’entente stipule que le Colonel Abass Koty, son collaborateur et son garde du corps retournent à N’djamena, accompagnés d’une délégation de la grande Jamahiriya, dans le cadre de l’amnistie, déclarée par le gouvernement de la République du Tchad. Ils bénéficieront, sur place, de la protection du facilitateur, garant de leur sécurité physique. Deux jours après, le 16 Aout 1993, ils arrivent dans la capitale, sous escorte d’un imposant dispositif de sécurité libyen ; le colonel Abdou Rahman Al Seyid, représentant de la Grande Jamahiriya aux négociations, commande la manœuvre et garantit les termes de la conciliation.
Le 22 Aout 1993, le colonel Abass Koty, son collaborateur, son garde corps et certains membres de sa famille sont assassinés à 13h, pendant qu’ils déjeunaient, dans son domicile, à N’djamena. Jamais le Guide Libyen n’a protesté.
Le défunt Président du Niger, le Général Ibrahim Mainassara Baré s’attira la sympathie enthousiaste du Guide après son coup d’état en janvier 1996 ; ce dernier avait alors réuni, à Syrte, tous les responsables de l’opposition, regroupés au sein d’un front républicain pour la restauration de la démocratie (FRDD). A ces démocrates chevronnés, il tenait le même monologue obsessionnel, qu’à la classe politique de Mauritanie, le 11 Mars 2009, au Palais des congrès de Nouakchott.
Après l’assassinat du Général Baré le 9 Avril 1999, Alpha Oumar Konaré à l’époque Président du Mali s’insurgea contre la barbarie du putsch, refusa d’en croiser l’instigateur et s’obstinait, selon une admirable rigueur, à plaider la suspension du Niger de toutes les instances sous régionales et régionales. Hélas, c’était sans compter avec le cynisme héroïque et la loyauté friable du bienfaiteur de feu Mainassara ; Kadhafi manifesta, énergiquement, du respect et de la sollicitude, pour l’assassin de son ami et frère de la veille, le chef de bataillon Daouda Malam Wanké qu’il invita et reçut, faste et honneurs en confirmation, au sommet fondateur de l’union Africaine, du 9 septembre 1999, à Syrte.
Le 15 Septembre 2004, le chef d’escadron Daouda Malam Wanké meurt, dans la misère, abandonné par le colonel Kadhafi, désormais fidèle à son successeur, Mamadou Tanja.
La liste des privilèges accordés par Kadhafi et dont les bénéficiaires les acquittent au prix fort s’allonge encore partout en Afrique et ailleurs ; comble du ridicule et si loin de la Chahama – la dignité des preux chez les Arabes- lorsque ses amis déchoient, toujours les abandonne-t- il au triste sort et se lie à leurs tombeurs.
Impuissance
D’une sincérité un peu délicate à évaluer faute de sérénité intime, Kadhafi s’avère un homme profondément malheureux, parce que trop fier, irrégulier, sans stratégie mais d’une inefficacité performante ; ses actes, spectaculaires et irréfléchis accouchent de l’échec, peu lui importe le naufrage des individus qui sombrent de son erreur. Même la mémoire, qui enseigne la prudence empirique à la plupart des espèces vivantes, lui fait défaut.
En 1969, il s’improvisait conscience active du nationaliste arabe et militant révolutionnaire dont les combats et rêves tenaient à l’unification de la Umma. Il va s’y investir tambour battant. Or, toutes les intégrations, en chantier consécutifs, vont connaître une déroute tellement répétitive qu’elle en frisait le fétichisme masochiste; avec la Tunisie en 1973, par la suite l’Egypte, la Syrie, le Maroc, le Soudan, un moment Chypre et même la très chrétienne Malte, il aura désiré l’improbable amour et notre souvenance, s’épuise à recenser tant de désinvolture.
Déçu des refus opposés à ses offres, chagrin d’éconduite perpétuelle, il change de stratégie et s’avise d’obtenir l’étreinte convoitée, à coup de millions de dollars et de déstabilisation des régimes prudes. Si tu ne lui vends pas ton amitié ou ton estime, si tu déclines sa fraternité lucrative, le Guide s’emploie à t’infliger bien des misères. Par les opposants aux pouvoirs rétifs à sa séduction, il confectionne, en Libye, des mouvements de libération plus ou moins crédibles dont les figurants se naturalisent ou repartent, sur la pointe des pieds, tremblants de peur, surtout au lendemain de la disparition, le 31 août 1978, du Chiite libanais Moussa Sadr. Certains croyaient en l’homme et son idéal mais se retrouvent, pieds et poings liés, dans le laboratoire de sévices d’une officine de renseignements de leurs pays.
Comme à son habitude, en dépit de la facture colossale et du désir ardent de se dépasser, Kadhafi peine à produire un début de changement chez un peuple frère, même pas la Mauritanie du colonel Mohamed Khouna Ould Haidalla.
Au lieu de rassembler sa race comme il en cultive le mythe, Kadhafi l’incompris se confine dans la solitude et l’amertume envers l’ensemble de ses pairs de la Ligue et s’éloigne des factions palestiniennes qu’il présumait prendre sous son aile.
Un jour, tirant, pour une fois, la leçon de ses déboires, il renie désormais l’arabité, et décrète le peule Libyen, d’origine plutôt bantou, davantage parent des congolais, des gabonais que des bédouins du Maghreb. Rajeuni par un soupçon de lucidité fugitive, il s’investit dans une nouvelle entité des Etats-Unis d’Afrique. L’homme croit aux chimères, adule l’utopie et y gaspille du temps et surtout les richesses de son sous-sol. Cependant, pour annoncer, aux africains, sa vison d’un avenir radieux, il renvoie chez eux, avant chaque sommet de l’UA, par charters, dépossédés, humiliés, frustrés, de paisibles immigrés, venus chercher leur pitance, à la sueur du front, chez le promoteur même du lendemain meilleur.
Complexe
A présent, le chantre du nationalisme arabe, bonifié par le panafricanisme du pagne, mue en héraut de la monarchie. Le gauchiste de naguère, tombeur de l’égrotant Abdallah el-Senoussi, auteur de la première république en Libye et inventeur de la Jamahiriya état des masses, pendant 40 ans détracteur de toutes les féodalités contemporaines, s’autoproclame Roi des Rois et chefs traditionnels d’Afrique. Comment s’empêcher de concevoir, au moins, un peu de perplexité, devant de si pathétiques revirements !
Depuis sa distinction accidentelle par putsch, le Colonel Mouammar Kadhafi, Guide de la Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste, récemment auto-promu Roi des Rois et chefs traditionnels Africains, a voulu, les millions de dollars en guise d’argument diplomatique, parfois par la guerre au besoin, résoudre les conflits, dans le seul but de se donner un rôle majeur mais le succès manque.
Il s’est impliqué - mandaté ou non - dans le règlement des crises d’autorité et de légitimité, même les plus exotiques, sans parvenir jamais à en clore aucune.
Faute de caution, dans ce nouveau rôle, par les vrais aristocraties coutumières du Continent tels Mohamed VI du Maroc, Mswati III du Swaziland, Letsie III du Lesotho, Otumfuo Oséi Tutu II tout puissant maître de l’Empire Ashanti qui couvre une partie du Ghana et de la Cote d’ivoire, le Mogho Naba Tigré des Mossi au Burkina-Faso et bien d’autres Emirs du Sahara et Chefs de case prestigieuse du Sahel, Kadhafi brigue et achète le couronnement par des pieds nickelés, un peu bouffons à l’encan, dont le déguisement sert de gagne-pain. Avec Mouammar, l’intercontinentale de l’escroquerie au titre de noblesse prend siège à Tripoli. Elle tient, à longueur d’année, une représentation sous guichets très ouverts, dans les couloirs de l’hôtel Funduq Al-Kebir, sur la corniche de Tripoli. Un noble guerrier de l’Ouest ivoirien qui s’afficha avec le Guide se vit, au retour, déposer par ses pairs, au motif de « mauvaise fréquentation » !
Danger mortel!
John Jerry Rawlings, ancien président réformateur du Ghana et vieil familier de Kadhafi dont il partagea les confidences, les illuminations et quelques délires de rédimer le monde, en témoigne, sur le mode du désenchantement amer: « c’est un homme avec qui l’on ne peut partager des valeurs et dépourvu de toute vertu ».
Le jour où j’ai appris, un peu amusé par la perspective comparative et ses récurrences, que Kadhafi disait du bien du Général Aziz, je compris à quel point les jours de ce dernier sont désormais comptés. L’hôte, imprévisible en tout sauf dans la malchance dont il asperge ses émules, aura scellé, de quelques compliments mortels, le sort du putschiste mauritanien. Le Général Aziz, malgré les manifestations et toutes les sollicitations de son peuple depuis des années avant lui, refusait de rompre ses relations avec l’état d’Israël, avant de céder, in extrémis, aux exigences de la Libye, la veille de la visite controversée du Guide; au pris modique de 10 millions de dollars, livrés en liquide, le jour de la fermeture de l’ambassade de l’état hébreu à Nouakchott, le dirigeant de la junte joue mise de hasard sur la vie, avec toutes les conséquences d’une tel choix pour lui et son pays, dans la configuration du rapports de force, entre les Etats-Unis, l’Europe et surtout les institutions financières internationales.
L’arrivée en Mauritanie du Colonel Kadhafi a suscité, chez ce peuple fier et humble, voire parmi ses chefs militaires, l’espoir insensé, bientôt déçu, de les aider à affronter l’hostilité du monde. Paradoxe pitoyable, Mouammar Kadhafi, par sa partialité, en violation d’un mandat reçu de l’Union Africaine qu’il vient à peine de présider, pousse les deux principales forces politiques du pays, le RFD et le FNDD, à une ébauche d’accord contre sa médiation.
La visite du Guide démontre, aux Mauritaniens, combien leur général renonce, vite, à la souveraineté du pays, pour la sauvegarde de ses intérêts immédiats. Nombre de ses compatriotes se sentent encore bafoués et ressassent la blessure morale de ces 72 heures de siège, dans leur capitale, sous la botte de courtisans, collaborateurs et gardes de corps d’un chef d’état étranger, avec la bénédiction du haut conseil d’état et de son président.
Les images de cette virée de potaches, diffusées en courbe par la télévision libyenne, choquent qui connaît bien les mauritaniens et leur monomanie de la grandeur. Des dizaines de jeunes filles, selon une sélection au faciès, toutes habillées en uniforme blanc et maquillées pour la circonstance, buvaient la parole d’or du Guide, sous l’œil, torve et goguenard, des membres de sa suite. Que recherchait-on au travers de cette mise en scène indécente et insultante pour la République Islamique de Mauritanie ?
Généralement, la déchéance de la culture et des mœurs, à ce degré de déficit en vergogne, se paie d’une lourde contrepartie.
Le surlendemain, Kadhafi s’en allait semer la semence du doute en Guinée Bissau et au Niger et le Général Ould Abdel Aziz, à la conquête de l’électorat, une rare assurance sur les lèvres. Fort d’une sollicitude inespérée de l’hôte de la veille, il défie le monde et se paie de témérité. Comme le pendu agitant sa corde afin de se libérer de son emprise, plus il remue, mieux le nœud coulant lui enserre le cou. L’étouffement précipite le terme fatal. Partout sur terre, l’on meurt de bêtise ; en cela les Français s’étonnent, à juste titre, au constat que le ridicule ne tue plus autant.
19 mars 2009
Maitre KAMGA Souaib
Source: formauritania (M)