
PLAN DU DOCUMENT
THEME I – Bilan de l’opération retour
I.1 – L’Agence Nationale d’Appui et d’Insertion des Réfugiés
I.2 – La Commission Nationale d’Identification des Réfugiés
I.3 – La Commission Nationale de Concertation et d’Orientation
THEME II – Scolarité des enfants rapatriés
THEME III – Propositions pour l’amélioration du processus de retour
A la fin du document, découvrez les images de la tournée de l’AJD/MR dans le Brakna. Du 27 au 29 mars 2008, Le Président Ibrahima Moctar SARR, à la tête d’une importante délégation de l’AJD/MR, visitait les sites du Brakna : Bellel Ourngel, Boyngel Thillé, Houdallaye et Dar Salam.
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Au moment de la publication de ce rapport, les constats effectués il y a deux mois sont malheureusement toujours d’actualité.
La date arrêtée pour sa 4ème conférence est le vendredi 20 juin 2008 à 16h00 au siège de l’AJD/MR – Ilot K Nouakchott, elle portera sur la Réforme du Système Educatif.
Les intervenants seront :
- Fara BA, le Secrétaire à l’Education de l’AJD/MR (la voix que vous entendez dans le Cercle des noyés)
- Souleymane KANE, le Président du Conseil National de l’AJD/MR, Directeur pendant 19 ans de l’Institut des Langues Nationales
11 JUIN 2008 - MAURITANIE
Le 25 avril n’est pas une date anodine. Voilà exactement dix neuf ans que la Mauritanie vivait son mardi le plus noir. Dans un conflit frontalier avec le Sénégal, plusieurs négro-mauritaniens furent assassinés dans leur propre pays. En mémoire de ceux-là et de tous les morts des graves violations de droits humains qui s’en sont suivis, Monsieur Alassane Borti DIALLO, le responsable du Comité des sages, prononça une prière pour leur repos éternel et une minute de silence fut observée par l’assistance.
L’assistance a également rendu conjointement hommage à
- Aimé Césaire, le chantre de la négritude qui venait de disparaître, dont le cœur de la réflexion était l’humanisme et l’universalité de toute œuvre contributive à l’essor de la pensée et de l’aventure humaine
- Pr. Oumar BA, objet de la même attention de la part de la société civile
C’est aussi dans la prière et le recueillement que se termina cette longue après-midi d’échanges de haute qualité avant que ne se disperse une foule venue nombreuse, repartie avec la volonté ferme de perpétuer ce devoir de mémoire.
I – Bilan de l’opération retour
Par Tabara BA, Secrétaire aux Droits Humains de l’AJD/MR ,
En remplacement de Fadel Touré, Secrétaire à l’Organisation du Regroupement des Victimes des Evénements de 89/91 (REVE 89/91), retenu par une assemblée de son association.
Tout en regrettant la dégradation des conditions d’accueil des rapatriés au Brakna par rapport à ceux pas plus fortunés du premier contingent, a savoir :
- suppression du pécule de 3500 UM/tête
- pas de dîner le premier soir pour certains
- cruel manque d’eau et le sevrage brutal des enfants de ces éleveurs privés de lait
- distribution tardive des vivres
- logistique hasardeuse ayant occasionné des pertes de bétail
- etc…
L’AJD/MR considère ce retour parmi nous de nos compatriotes déportés comme un important pas franchi pour la réconciliation nationale. La réussite de cette opération humanitaire ne pourra que conforter les chances d’un règlement juste du passif humanitaire par la mise en place d’une commission Vérité et Réconciliation, comme le stipulait l’une des premières résolutions de son congrès extraordinaire tenu les 18 et 19 août 2007.
Madame Tabara BA, Secrétaire aux droits humains de l’AJD/MR adressa ensuite un discours émouvant à l’assistance.
S’appuyant sur le rapport de synthèse des journées nationales de concertation (JNC) tenues du 20 au 22 novembre 2007 à Nouakchott sur le retour des déportés et le règlement du passif humanitaire qui proposait le dispositif suivant : « un comité interministériel de pilotage, une commission nationale de concertation, une commission nationale d’identification, des commissions régionales, départementales et locales et enfin une Agence Autonome d’Appui et d’Insertion » , elle montra par une présentation chronologique des structures mises en place et leurs bilans, que tout a été fait à l’envers, déplorant au passage la très faible représentation des déportés.
I.1 – L’Agence Nationale d’Appui et d’Insertion des Réfugiés (ANAIR)
600 vaches distribuées, 30 tonnes de vivres…
Le 2 janvier était créé en premier la dernière structure prévue par les JNC, l’Agence Nationale d’Appui et d’Insertion des Réfugiés (ANAIR). Son Conseil d’Administration, composée de dix neuf membres, n’accorde que deux petites places au représentants des victimes de la déportation :
- Monsieur Abou Djigo, Président du Comité Directeur (CODIR). Face au besoin exprimé par le HCR Sénégal d’avoir un interlocuteur unique pour l’exécution du rapatriement, les réfugiés de la plupart des camps au Sénégal avaient convoqué une assemblée générale en juillet 2007 à Bokki Diawé afin de mettre sur pied cette organisation.
- Monsieur Mamadou SARR, Président du FONADH et représentant les associations de réfugiés en Mauritanie
Il n’y a pas de représentant des déportés au Mali !
Comme l’explique son Directeur dans une récente interview, monsieur Moussa FALL, l’agence a un plan d’actions en quatre volets :
- Programme d’accueil et d’appui à la première installation
- Programme d’accueil renforcé
- Programme d’insertion durable
- Programme de réparation
Au stade d’avancement de l’opération, il ne peut s’agir que du bilan du premier volet. L’ANAIR a acheté 600 vaches et acheminé environ 30 tonnes de vivres dans les magasins communautaires ravitaillant les rapatriés.
En lieu et place de cette aide en nature, il aurait été préférable de responsabiliser les déportés en leur confiant la gestion du capital de 700 000 ouguiyas alloué par famille. Certes, les contingents dans le Brakna sont essentiellement des éleveurs mais cela ne doit pas rendre systématique l’achat de vaches pour tout revenant peulh.
Dans ces zones arides sans eau ni pâturages, l’alimentation du bétail est un véritable casse-tête, surtout quand l’éleveur est le premier à avoir faim.
Le budget de fonctionnement de l’agence est colossal. En effet, dotée de 2 milliard UM sur 2008, l’ANAIR ne consacre que 1,35 milliard UM à son programme d’urgence pour l’accueil et l’installation de près de 11 000 personnes avant la fin de l’année.
Monsieur Mohamed El Kory, le chargé de communication de l’ANAIR fut le premier intervenant dans le public.
Après avoir salué le rôle important joué par notre parti pendant les JNC et son action sur le terrain en faveur du retour des déportés, qui lui vaut d’être représenté dans la Commission Nationale d’Orientation et de Concertation, il a félicité notre mouvement des femmes. La journée de solidarité qu’elles ont organisée le 1er mars 2008, avec des moyens modestes, a eu un impact à l’échelle nationale. Elles ont véritablement sensibilisé les mauritaniens sur les conditions de vie très difficiles des rapatriés. La fondation KB et plusieurs autres bonnes volontés avaient emboîté le pas, cet élan patriotique doit être soutenu.
Il a ensuite informé l’assistance que l’ANAIR a investi 72 millions d’ouguiyas pour régler les problèmes d’eau dans le Brakna le 1er mai au plus tard. Les vaches laitières devraient répondre aux énormes besoins en lait évoqués plus haut. A confirmer : l’ANAIR aurait accepté la remise directe de 700 000 UM aux familles des rapatriés.
Monsieur Mohamed El kory, après l’annonce de ces bonnes nouvelles ; fut invité à rejoindre la table des conférenciers pour répondre aux questions sur la scolarité des enfants..
Au moment de la publication de ce rapport, les problèmes d’eau n’ont toujours pas été réglés au Brakna.
I.2 – La Commission Nationale d’Identification des Réfugiés (CNIR)
1892 personnes rentrées en 3 mois…
Cette commission a vu le jour le 27 janvier, à seulement deux jours du retour du premier contingent, ce qui explique l’amateurisme dont ont fait montre les autorités administratives. Visiblement, les procédures de mise en œuvre étaient loin d’être écrites.
Elle est actuellement constitué de douze membres, essentiellement des fonctionnaires du Ministère de l’intérieur et des cadres d’autres départements ministériels. Conformément à ce qui a été arrêté sans ambiguité aux JNC, pour dépasser les problèmes rencontrées dans la phase d’identification, il est urgent d’élargir cette commission aux représentants des déportés et de la faire présider par des magistrats.
Le processus de retour peut être résumé ainsi :
1. Le déporté manifeste sa volonté de rentrer au HCR Sénégal qui le recense comme candidat au retour. Il remplit alors un formulaire standard décrivant la composition exacte de sa famille.
2. Le HCR transmet la liste des candidats au retour dans une même localité au Ministère de l’intérieur
3. La CNIR étudie les dossiers en s’appuyant sur ses ramifications régionales et départementales pour identifier les candidats dans leur localités d’origine, en recourant à tout document pouvant prouver leur mauritanité (Registres de recensement
4. Le HCR, a réception des demandes de rapatriement acceptés par le Ministère de l’Intérieur, met en œuvre la logistique pour ramener les populations dans leur pays selon leurs souhaits
On mesure l’importance de la CNIR. Elle a reçu du HCR 1332 demandes de familles candidates au retour correspondant à à effectif d’environ 6000 personnes.
140 demandes ont été jugées irrecevables. Sur les 1192 restantes, les commissions régionales en ont traité 751 demandes (~ 3000 personnes).
Les autres demandes sont en cours de traitement. En cas de difficulté d’identification d’un candidat au retour, les CR transmettent le dossier au comité des sages.
La CNIR a reçu le 20 avril une soumission pour le Gorgol (Kaédi, Mbout et Maghama) concernant 72 familles et attendait 101 familles (405 personnes) le 25 avril.
Au 21 avril 2008, il y a eu 9 convois, 466 familles représentant 1892 personnes sont rentrées dans 20 localités (Trarza et Brakna).
En conclusion, environ 2000 personnes sont rentrées en l’espace de 3 mois.
Cette cadence est très faible, d’autant plus que l’on s’approche de la période des pluies. Les autorités doivent mettre en confiance ceux restés dans les camps au Sénégal en améliorant très significativement les conditions d’accueil des rapatriés. Il faudrait également songer à signer l’accord tripartite avec le Mali.
I.3 – La Commission Nationale de Concertation et d’Orientation (CNCO)
Concertations après …décisions !
Si l’esprit des journées de concertation avait été respecté, cette commission devait être la première structure à voir le jour et non la dernière.
Cette commission présenterait difficilement un bilan car elle sort tout juste de sa première réunion de prise contacts tenue ce 21 avril 2008 sous la présidence du Ministre de l’intérieur.
Sur une vingtaine de membres on ne compte que trois représentants des déportés.
Difficile de se concerter quand toutes les décisions ont déjà été prises par le Comité interministériel, l’instance suprême d’exécution de la promesse faite par le Président de la République de ramener les déportés dans leur pays et de régler justement le passif humanitaire.
Ce comité interministériel est présidé par monsieur Monsieur Yahya Ahmed ould Waghef :
- Ministre Secrétaire Général de la Présidence de la République
- Président du nouveau parti de la majorité présidentielle (PNDD)
- Responsable du plan d’urgence pour lutter contre la cherté de la vie et la famine qui menace le pays
En cumul des mandats et confusion des genres, on peut difficilement mieux faire que cet ingénieur statisticien et économiste.
L’ascension continue, monsieur Waghef a été nommé Premier Ministre le 7 mai 2008. Son successeur au Secrétariat Général de la Présidence de la République est monsieur Bodiel ould Houmeid, un homme qui a toujours estimé que le bilan de la dictature Taya était largement positif. Héritera-t-il de la présidence du Comité Interministeriel ?
Monsieur Fadel Touré, empêché, finit par rejoindre la table des conférenciers à la fin de l’intervention du professeur Fara BA sur le thème de la scolarité des enfants.
Il compléta la prestation de la Secrétaire aux Droits humains par une analyse qualitative de la déportation en en rappelant les faits historiques. Les violences cruelles et dégradantes sur les populations négro-mauritaniennes en révèlent le caractère discriminatoire.
Son organisation juge non négociables les exigences relatives à la restitution des terres et aux indemnisations.
Selon lui, il y aurait quatre foyers de victimes de la déportation :
- le long du fleuve : 263 camps de déportés au Sénégal et l’ouest malien
- les zones urbaines (Dakar, Bamako,…)
- les anciens déportés rentrés au pays, sans aucune garantie
- ceux épars dans le monde, principalement en Europe et en Amérique du Nord
Si le retour concerne une partie des populations victimes, c’est tout le monde qu’il faudra insérer.
Il fustigea le recensement effectué par HCR, très incomplet et désordonné.
Il estime que les conditions de transport des contingents sont indignes, mettant à mal le vieux slogan clamant un RETOUR DIGNE ET ORGANISE DES DEPORTES.
Il poursuit en s’offusquant du nombre élevé des dossiers rejetés par la CNIR, arguant que les critères de validation des demandes devraient être clarifiés.
II – Scolarité des enfants rapatriés
Professeur Fara BA, Secrétaire à L’Education de l’AJD/MR
Après avoir félicité Tabara BA d’avoir eu l’idée d’adjoindre le thème de la scolarité des enfants, il précisa que son analyse, rendue difficile par l’absence de chiffres sur le nombre d’enfants revenus et leurs niveaux scolaires, n’est pas une apologie de la langue française héritée du colonialisme. Son combat, celui de l’AJD/MR, a toujours été l’officialisation du pulaar, du soninké et du wolof au même titre que l’arabe.
Cette clarification faite, il revint sur la Réforme de 1999 instituant une filière unique. Cette réforme est à sa quatrième année au niveau du Secondaire, année de passage du Brevet d’Etudes du Premier Cycle (BEPC).
Les enfants des rapatriés ne maîtrisant pas l’arabe connaîtront, comme les négro-mauritaniens qu’ils trouveront ici, d’énormes difficultés pour réussir leur année. C’est une conséquence immédiate et instantanée des travers de cette nième réforme d’un système éducatif très malade.
Il restreint son analyse à la filière bilingue – choisir la filière arabe serait un suicide scolaire pour eux.
Au primaire, le français n’entre en scène qu’en deuxième année. Les cours en 1ère année sont dispensés exclusivement en arabe. Ce dictat, scrupuleusement respecté dans les écoles publiques, peine à être appliqué par les professionnels du privé.
Les mathématiques ne sont enseignées en français qu’à partir de la 3ème année et il faut attendre la 5ème année pour apprendre les sciences naturelles dans la langue de Voltaire.
En entrée en sixième, l’instruction civique (IC), l’instruction Religieuse (IR), l’Histoire et la Géographie sont enseignées en arabe. Ces matières totalisent un coefficient de 8. Il faut totaliser 180 points pour passer au collège. Ceux qui font l’impasse sur la langue arabe, doivent obtenir d’excellentes notes dans le reste de matières enseignées en français (environ 15/20) s’ils ambitionnent de franchir un jour le portail d’un collège.
Dans ces conditions, on voit l’handicap des enfants des rapatriés ayant baigné dans le Système éducatif sénégalais. Handicap qu’ils partagent avec les élèves négro-mauritaniens refusant d’apprendre l’arabe pour des raisons qui dépassent le périmètre de ce thème.
Pour le secondaire, les derniers résultats catastrophiques au brevet, toutes communautés confondues, auraient du sonner le glas de la réforme de 99 : 8 admis sur 66 dans une classe, il y a des classes avec …zéro admis !
Les rapatriés de niveau BAC ou plus, auront moins de difficulté, car ce sont encore les promotions de la réforme 1979.
Que faire pour sauver la scolarité de ces enfants ?
Les plus jeunes qui rejoindront la 1ère année du primaire n’auront pas de problème, il n’y a pas de raison objective justifiant leur refus d’apprendre l’arabe.
L’introduction des langues nationales dès le primaire aurait facilité une transition en douceur aux plus grands car de sérieuses difficultés vont se poser à partir de la 3ème année du primaire.
Il faut une mobilisation tous azimuts pour aboutir à un résultat avant la rentrée prochaine.
Les parents d’élèves, les enseignants, la société civile s’impliquent activement et préparent l’avenir de nos enfants en venant avec des propositions concrètes aux états généraux de l’enseignement prévus cet été.
Pour parer au plus pressé, il faut dispenser des cours d’initiation pour les débutants et de rattrapage pour ceux ayant des notions en arabe, afin que leur retour au pays ne signe pas leur échec scolaire. Les enseignants du parti doivent répondre en premier à cet appel et se rendre dans les différents sites pendant les vacances scolaires pour dispenser des cours aux enfants en priorité, mais aussi à leurs parents.
Un intervenant a lancé un cri d’alarme quand au risque d’assimilation culturelle par l’enseignement de l’histoire du pays uniquement dans une langue. Il cite un livre de 5ème Secondaire disant que la Mauritanie est un pays exclusivement arabe.
Les questions posées par l’auditoire dépassant largement les contours du thème de la scolarité des enfants de rapatriés, monsieur Fara BA a pris l’engagement d’organiser une conférence débat sur le Système Educatif. L’AJD/MR diffusera un memorandum sur la question à l’occasion de la tenue prochaine des états généraux de l’enseignement.
III – Propositions pour l’amélioration du processus de retour
Par Tabara BA, Secrétaire aux Droits Humains de l’AJD/MR ,
Thème non abordé par Tabara BA faute de temps, ses propositions sont en cours de discussion au sein de la Commission du parti chargée du dossier des déportés et du passif humanitaire. Sur ce dernier volet, la Secrétaire aux Droits Humains a fait part de son inquiétude grandissante due à la non publication par les autorités du rapport final des JNC. Au moment ou des milieux avertis distillent l’éventualité de la mise en place d’une commission nationale indépendante sous le joug des généraux. La Mauritanie est devenue le pays du …Général d’armée par mois !
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Source: Service Communication AJD/MR
(M) avomm
L’assistance a également rendu conjointement hommage à
- Aimé Césaire, le chantre de la négritude qui venait de disparaître, dont le cœur de la réflexion était l’humanisme et l’universalité de toute œuvre contributive à l’essor de la pensée et de l’aventure humaine
- Pr. Oumar BA, objet de la même attention de la part de la société civile
C’est aussi dans la prière et le recueillement que se termina cette longue après-midi d’échanges de haute qualité avant que ne se disperse une foule venue nombreuse, repartie avec la volonté ferme de perpétuer ce devoir de mémoire.
I – Bilan de l’opération retour
Par Tabara BA, Secrétaire aux Droits Humains de l’AJD/MR ,
En remplacement de Fadel Touré, Secrétaire à l’Organisation du Regroupement des Victimes des Evénements de 89/91 (REVE 89/91), retenu par une assemblée de son association.
Tout en regrettant la dégradation des conditions d’accueil des rapatriés au Brakna par rapport à ceux pas plus fortunés du premier contingent, a savoir :
- suppression du pécule de 3500 UM/tête
- pas de dîner le premier soir pour certains
- cruel manque d’eau et le sevrage brutal des enfants de ces éleveurs privés de lait
- distribution tardive des vivres
- logistique hasardeuse ayant occasionné des pertes de bétail
- etc…
L’AJD/MR considère ce retour parmi nous de nos compatriotes déportés comme un important pas franchi pour la réconciliation nationale. La réussite de cette opération humanitaire ne pourra que conforter les chances d’un règlement juste du passif humanitaire par la mise en place d’une commission Vérité et Réconciliation, comme le stipulait l’une des premières résolutions de son congrès extraordinaire tenu les 18 et 19 août 2007.
Madame Tabara BA, Secrétaire aux droits humains de l’AJD/MR adressa ensuite un discours émouvant à l’assistance.
S’appuyant sur le rapport de synthèse des journées nationales de concertation (JNC) tenues du 20 au 22 novembre 2007 à Nouakchott sur le retour des déportés et le règlement du passif humanitaire qui proposait le dispositif suivant : « un comité interministériel de pilotage, une commission nationale de concertation, une commission nationale d’identification, des commissions régionales, départementales et locales et enfin une Agence Autonome d’Appui et d’Insertion » , elle montra par une présentation chronologique des structures mises en place et leurs bilans, que tout a été fait à l’envers, déplorant au passage la très faible représentation des déportés.
I.1 – L’Agence Nationale d’Appui et d’Insertion des Réfugiés (ANAIR)
600 vaches distribuées, 30 tonnes de vivres…
Le 2 janvier était créé en premier la dernière structure prévue par les JNC, l’Agence Nationale d’Appui et d’Insertion des Réfugiés (ANAIR). Son Conseil d’Administration, composée de dix neuf membres, n’accorde que deux petites places au représentants des victimes de la déportation :
- Monsieur Abou Djigo, Président du Comité Directeur (CODIR). Face au besoin exprimé par le HCR Sénégal d’avoir un interlocuteur unique pour l’exécution du rapatriement, les réfugiés de la plupart des camps au Sénégal avaient convoqué une assemblée générale en juillet 2007 à Bokki Diawé afin de mettre sur pied cette organisation.
- Monsieur Mamadou SARR, Président du FONADH et représentant les associations de réfugiés en Mauritanie
Il n’y a pas de représentant des déportés au Mali !
Comme l’explique son Directeur dans une récente interview, monsieur Moussa FALL, l’agence a un plan d’actions en quatre volets :
- Programme d’accueil et d’appui à la première installation
- Programme d’accueil renforcé
- Programme d’insertion durable
- Programme de réparation
Au stade d’avancement de l’opération, il ne peut s’agir que du bilan du premier volet. L’ANAIR a acheté 600 vaches et acheminé environ 30 tonnes de vivres dans les magasins communautaires ravitaillant les rapatriés.
En lieu et place de cette aide en nature, il aurait été préférable de responsabiliser les déportés en leur confiant la gestion du capital de 700 000 ouguiyas alloué par famille. Certes, les contingents dans le Brakna sont essentiellement des éleveurs mais cela ne doit pas rendre systématique l’achat de vaches pour tout revenant peulh.
Dans ces zones arides sans eau ni pâturages, l’alimentation du bétail est un véritable casse-tête, surtout quand l’éleveur est le premier à avoir faim.
Le budget de fonctionnement de l’agence est colossal. En effet, dotée de 2 milliard UM sur 2008, l’ANAIR ne consacre que 1,35 milliard UM à son programme d’urgence pour l’accueil et l’installation de près de 11 000 personnes avant la fin de l’année.
Monsieur Mohamed El Kory, le chargé de communication de l’ANAIR fut le premier intervenant dans le public.
Après avoir salué le rôle important joué par notre parti pendant les JNC et son action sur le terrain en faveur du retour des déportés, qui lui vaut d’être représenté dans la Commission Nationale d’Orientation et de Concertation, il a félicité notre mouvement des femmes. La journée de solidarité qu’elles ont organisée le 1er mars 2008, avec des moyens modestes, a eu un impact à l’échelle nationale. Elles ont véritablement sensibilisé les mauritaniens sur les conditions de vie très difficiles des rapatriés. La fondation KB et plusieurs autres bonnes volontés avaient emboîté le pas, cet élan patriotique doit être soutenu.
Il a ensuite informé l’assistance que l’ANAIR a investi 72 millions d’ouguiyas pour régler les problèmes d’eau dans le Brakna le 1er mai au plus tard. Les vaches laitières devraient répondre aux énormes besoins en lait évoqués plus haut. A confirmer : l’ANAIR aurait accepté la remise directe de 700 000 UM aux familles des rapatriés.
Monsieur Mohamed El kory, après l’annonce de ces bonnes nouvelles ; fut invité à rejoindre la table des conférenciers pour répondre aux questions sur la scolarité des enfants..
Au moment de la publication de ce rapport, les problèmes d’eau n’ont toujours pas été réglés au Brakna.
I.2 – La Commission Nationale d’Identification des Réfugiés (CNIR)
1892 personnes rentrées en 3 mois…
Cette commission a vu le jour le 27 janvier, à seulement deux jours du retour du premier contingent, ce qui explique l’amateurisme dont ont fait montre les autorités administratives. Visiblement, les procédures de mise en œuvre étaient loin d’être écrites.
Elle est actuellement constitué de douze membres, essentiellement des fonctionnaires du Ministère de l’intérieur et des cadres d’autres départements ministériels. Conformément à ce qui a été arrêté sans ambiguité aux JNC, pour dépasser les problèmes rencontrées dans la phase d’identification, il est urgent d’élargir cette commission aux représentants des déportés et de la faire présider par des magistrats.
Le processus de retour peut être résumé ainsi :
1. Le déporté manifeste sa volonté de rentrer au HCR Sénégal qui le recense comme candidat au retour. Il remplit alors un formulaire standard décrivant la composition exacte de sa famille.
2. Le HCR transmet la liste des candidats au retour dans une même localité au Ministère de l’intérieur
3. La CNIR étudie les dossiers en s’appuyant sur ses ramifications régionales et départementales pour identifier les candidats dans leur localités d’origine, en recourant à tout document pouvant prouver leur mauritanité (Registres de recensement
4. Le HCR, a réception des demandes de rapatriement acceptés par le Ministère de l’Intérieur, met en œuvre la logistique pour ramener les populations dans leur pays selon leurs souhaits
On mesure l’importance de la CNIR. Elle a reçu du HCR 1332 demandes de familles candidates au retour correspondant à à effectif d’environ 6000 personnes.
140 demandes ont été jugées irrecevables. Sur les 1192 restantes, les commissions régionales en ont traité 751 demandes (~ 3000 personnes).
Les autres demandes sont en cours de traitement. En cas de difficulté d’identification d’un candidat au retour, les CR transmettent le dossier au comité des sages.
La CNIR a reçu le 20 avril une soumission pour le Gorgol (Kaédi, Mbout et Maghama) concernant 72 familles et attendait 101 familles (405 personnes) le 25 avril.
Au 21 avril 2008, il y a eu 9 convois, 466 familles représentant 1892 personnes sont rentrées dans 20 localités (Trarza et Brakna).
En conclusion, environ 2000 personnes sont rentrées en l’espace de 3 mois.
Cette cadence est très faible, d’autant plus que l’on s’approche de la période des pluies. Les autorités doivent mettre en confiance ceux restés dans les camps au Sénégal en améliorant très significativement les conditions d’accueil des rapatriés. Il faudrait également songer à signer l’accord tripartite avec le Mali.
I.3 – La Commission Nationale de Concertation et d’Orientation (CNCO)
Concertations après …décisions !
Si l’esprit des journées de concertation avait été respecté, cette commission devait être la première structure à voir le jour et non la dernière.
Cette commission présenterait difficilement un bilan car elle sort tout juste de sa première réunion de prise contacts tenue ce 21 avril 2008 sous la présidence du Ministre de l’intérieur.
Sur une vingtaine de membres on ne compte que trois représentants des déportés.
Difficile de se concerter quand toutes les décisions ont déjà été prises par le Comité interministériel, l’instance suprême d’exécution de la promesse faite par le Président de la République de ramener les déportés dans leur pays et de régler justement le passif humanitaire.
Ce comité interministériel est présidé par monsieur Monsieur Yahya Ahmed ould Waghef :
- Ministre Secrétaire Général de la Présidence de la République
- Président du nouveau parti de la majorité présidentielle (PNDD)
- Responsable du plan d’urgence pour lutter contre la cherté de la vie et la famine qui menace le pays
En cumul des mandats et confusion des genres, on peut difficilement mieux faire que cet ingénieur statisticien et économiste.
L’ascension continue, monsieur Waghef a été nommé Premier Ministre le 7 mai 2008. Son successeur au Secrétariat Général de la Présidence de la République est monsieur Bodiel ould Houmeid, un homme qui a toujours estimé que le bilan de la dictature Taya était largement positif. Héritera-t-il de la présidence du Comité Interministeriel ?
Monsieur Fadel Touré, empêché, finit par rejoindre la table des conférenciers à la fin de l’intervention du professeur Fara BA sur le thème de la scolarité des enfants.
Il compléta la prestation de la Secrétaire aux Droits humains par une analyse qualitative de la déportation en en rappelant les faits historiques. Les violences cruelles et dégradantes sur les populations négro-mauritaniennes en révèlent le caractère discriminatoire.
Son organisation juge non négociables les exigences relatives à la restitution des terres et aux indemnisations.
Selon lui, il y aurait quatre foyers de victimes de la déportation :
- le long du fleuve : 263 camps de déportés au Sénégal et l’ouest malien
- les zones urbaines (Dakar, Bamako,…)
- les anciens déportés rentrés au pays, sans aucune garantie
- ceux épars dans le monde, principalement en Europe et en Amérique du Nord
Si le retour concerne une partie des populations victimes, c’est tout le monde qu’il faudra insérer.
Il fustigea le recensement effectué par HCR, très incomplet et désordonné.
Il estime que les conditions de transport des contingents sont indignes, mettant à mal le vieux slogan clamant un RETOUR DIGNE ET ORGANISE DES DEPORTES.
Il poursuit en s’offusquant du nombre élevé des dossiers rejetés par la CNIR, arguant que les critères de validation des demandes devraient être clarifiés.
II – Scolarité des enfants rapatriés
Professeur Fara BA, Secrétaire à L’Education de l’AJD/MR
Après avoir félicité Tabara BA d’avoir eu l’idée d’adjoindre le thème de la scolarité des enfants, il précisa que son analyse, rendue difficile par l’absence de chiffres sur le nombre d’enfants revenus et leurs niveaux scolaires, n’est pas une apologie de la langue française héritée du colonialisme. Son combat, celui de l’AJD/MR, a toujours été l’officialisation du pulaar, du soninké et du wolof au même titre que l’arabe.
Cette clarification faite, il revint sur la Réforme de 1999 instituant une filière unique. Cette réforme est à sa quatrième année au niveau du Secondaire, année de passage du Brevet d’Etudes du Premier Cycle (BEPC).
Les enfants des rapatriés ne maîtrisant pas l’arabe connaîtront, comme les négro-mauritaniens qu’ils trouveront ici, d’énormes difficultés pour réussir leur année. C’est une conséquence immédiate et instantanée des travers de cette nième réforme d’un système éducatif très malade.
Il restreint son analyse à la filière bilingue – choisir la filière arabe serait un suicide scolaire pour eux.
Au primaire, le français n’entre en scène qu’en deuxième année. Les cours en 1ère année sont dispensés exclusivement en arabe. Ce dictat, scrupuleusement respecté dans les écoles publiques, peine à être appliqué par les professionnels du privé.
Les mathématiques ne sont enseignées en français qu’à partir de la 3ème année et il faut attendre la 5ème année pour apprendre les sciences naturelles dans la langue de Voltaire.
En entrée en sixième, l’instruction civique (IC), l’instruction Religieuse (IR), l’Histoire et la Géographie sont enseignées en arabe. Ces matières totalisent un coefficient de 8. Il faut totaliser 180 points pour passer au collège. Ceux qui font l’impasse sur la langue arabe, doivent obtenir d’excellentes notes dans le reste de matières enseignées en français (environ 15/20) s’ils ambitionnent de franchir un jour le portail d’un collège.
Dans ces conditions, on voit l’handicap des enfants des rapatriés ayant baigné dans le Système éducatif sénégalais. Handicap qu’ils partagent avec les élèves négro-mauritaniens refusant d’apprendre l’arabe pour des raisons qui dépassent le périmètre de ce thème.
Pour le secondaire, les derniers résultats catastrophiques au brevet, toutes communautés confondues, auraient du sonner le glas de la réforme de 99 : 8 admis sur 66 dans une classe, il y a des classes avec …zéro admis !
Les rapatriés de niveau BAC ou plus, auront moins de difficulté, car ce sont encore les promotions de la réforme 1979.
Que faire pour sauver la scolarité de ces enfants ?
Les plus jeunes qui rejoindront la 1ère année du primaire n’auront pas de problème, il n’y a pas de raison objective justifiant leur refus d’apprendre l’arabe.
L’introduction des langues nationales dès le primaire aurait facilité une transition en douceur aux plus grands car de sérieuses difficultés vont se poser à partir de la 3ème année du primaire.
Il faut une mobilisation tous azimuts pour aboutir à un résultat avant la rentrée prochaine.
Les parents d’élèves, les enseignants, la société civile s’impliquent activement et préparent l’avenir de nos enfants en venant avec des propositions concrètes aux états généraux de l’enseignement prévus cet été.
Pour parer au plus pressé, il faut dispenser des cours d’initiation pour les débutants et de rattrapage pour ceux ayant des notions en arabe, afin que leur retour au pays ne signe pas leur échec scolaire. Les enseignants du parti doivent répondre en premier à cet appel et se rendre dans les différents sites pendant les vacances scolaires pour dispenser des cours aux enfants en priorité, mais aussi à leurs parents.
Un intervenant a lancé un cri d’alarme quand au risque d’assimilation culturelle par l’enseignement de l’histoire du pays uniquement dans une langue. Il cite un livre de 5ème Secondaire disant que la Mauritanie est un pays exclusivement arabe.
Les questions posées par l’auditoire dépassant largement les contours du thème de la scolarité des enfants de rapatriés, monsieur Fara BA a pris l’engagement d’organiser une conférence débat sur le Système Educatif. L’AJD/MR diffusera un memorandum sur la question à l’occasion de la tenue prochaine des états généraux de l’enseignement.
III – Propositions pour l’amélioration du processus de retour
Par Tabara BA, Secrétaire aux Droits Humains de l’AJD/MR ,
Thème non abordé par Tabara BA faute de temps, ses propositions sont en cours de discussion au sein de la Commission du parti chargée du dossier des déportés et du passif humanitaire. Sur ce dernier volet, la Secrétaire aux Droits Humains a fait part de son inquiétude grandissante due à la non publication par les autorités du rapport final des JNC. Au moment ou des milieux avertis distillent l’éventualité de la mise en place d’une commission nationale indépendante sous le joug des généraux. La Mauritanie est devenue le pays du …Général d’armée par mois !
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Source: Service Communication AJD/MR
(M) avomm